La lumière de la salle de bain nous rendait blafards. Seul le sang, qui continuait de couler lentement de ma lèvre, restait vif. Ma bouche était pâteuse et un goût métallique s'y était immiscé en même temps que le sang ; Au vu de la quantité de sang qui se trouvait sur mes vêtements et de nos regards presque vitreux, n'importe qui d'autre que nous aurait cru que nous venions de commettre un crime. L'unique miroir de la pièce nous renvoyait le reflet de ce que nous étions devenus. Aucun de nous deux ne voulait accepter cette vision, ni ne voulait en détacher le regard. Nous n'étions pas surpris, plutôt nostalgiques de ce que nous avions été. Là, face au miroir, les yeux dans le vague, les vêtements salis et le peau terne, je réalisais que dans toute situation nous étions liés d'une façon ou d'une autre. Nous n'avions jamais autant ressemblés l'un à l'autre et nous n'avions pourtant jamais mis autant de distance entre nous deux. Bien que nous nous efforcions à ne plus avoir de contact, nous ne pouvions lutter contre cette connection naturelle qu'il y avait entre nous. Nous respirions au même rythme, sans même nous en apercevoir. Nous gardions les mêmes expressions faciales et mimiques. Nos étoiles étaient alignées alors que nous étions encore que des cellules dans leur poche. Nous avions été aimés et chéris avec la même intensité et nous aimions en retour, sans discontinuer. Sans qu'aucun de nous ne veuille l'admettre, nous conservions cette même tendresse que nous avions enfants. Sans un mot, aucun. Il n'y en avait pas besoin. Nous le savions. Je décidais de ne pas réprimer mon envie de remercier Sacha d'être resté mon second moi. Il n'opposa pas de résistance quand je glissais ma main ensanglantée dans la sienne. J'avais presque oublié combien ce seul contact était doux à mon coeur. Par le biais de nos mains jointes nous nous réconfortions. Chacun tentait de donner du courage à l'autre mais c'est à deux que nous fonctionnions le mieux.
Toujours muet, mon frère me fit asseoir sur l'unique tabouret de la pièce. Il se dirigea vers l'armoire à pharmacie. Il chercha entre les différents pots, avant d'en sortir le coton et le désinfectant. Puis, il pressa délicatement ma plaie. Les picotements me provoquèrent quelques grimaces de douleur. Une fois sa tache terminée, il s'assit dos à la baignoire, face à moi. C'est lui qui brisa la silence :
- Depuis quand il te frappe ?
Je baissais les yeux, il était plus facile de ne pas parler que de mentir à mon jumeau. Je ne pus empêcher les larmes couler du coin de mes yeux.
- Tu n'aurais pas dû venir, sanglotais-je.
Il fit claquer son poing contre la baignoire.
- Il n'a pas le droit de faire ça Camille. Depuis quand ? Pourquoi ?
Je restais muette, ignorant sa question pour ne pas croiser le regard de Sacha, furieux. Il se leva d'un bond et arpenta la pièce tel un lion en cage.
- Je ne peux pas t'aider si tu ne me dis rien ! J'ai besoin de connaître les raison pour lesquelles j'ai été forcé de me jeter sur ce gars !
Je me levais à mon tour et me postais face à lui. Ses questions m'étaient insupportables. Je n'avais aucune envie de parler. Il venait encore de tout gâcher. Je ne pus retenir ma colère, ni ces mots. Le couperet m'échappa, je l'avais lâché sans le vouloir.
- Mais je n'ai besoin de ton aide et je ne tel'i pas demandé. Je dérouille très bien sans toit depuis presque quatre ans. Tu passes ton temps à attendre le retour de maman sur la plage que c'est à cause de toi qu'elle est partie.
Le visage de mon frère se décomposait à chaque nouvelle phrase que je prononçais. La douleur semblait plus forte encore que celle que j'avais subie mais je ne m'en aperçus que plus tard et continuait dans ma lancée :
- Tu lui as fait peur parce que tu es incapable de te contrôler. Les médicaments peuvent agir tout ce qu'ils peuvent ils ne font pas de toi quelqu'un de norma. Si je ne t'avais pas arrêté tu aurais tué Dany sans même t'en apercevoir.
Face à moi, Sacha serra les poings. Son visage était presque impassible tant il souffrait au fond de lui-même. Je n'eus pas le temps de regretter mes paroles qu'il était déjà sortit, me laissant seule avec mes remords. Je ne savais comment de telles paroles avaient pu sortir de ma bouche. D'un coup de bras, je balayais le meuble le plus proche de moi. Les différents produits tombèrent au sol. Consciente que cette rage ne pouvait changer mes dernières paroles, je m'appuyais sur le lavabo afin de me calmer. Désemparée, je me déshabillais tout en faisant couler l'eau chaude dans la baignoire.Je pris soin de jeter mes vêtements irrécupérables avant de le glisser dans l'eau, si chaude que ma peau vira au rouge. A l'aide d'un gant et de savon je frictionnais mon corps avec assiduité. Je ne voulais conserver aucun souvenir de ce passage, bien que je ne pouvais éviter l'apparition d'un bleu sur mon flanc droit. Il fallait que j'arrête de penser, de réfléchir. J'hésitais entre crier ou pleurer. Le compte à rebours ne comptait plus les heures mais les secondes et je venais, sans le savoir, d'appuyer sur la détente.
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Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)
Genç KurguIl y a ces moments où l'on s'aperçoit que nous ne tenons plus que sur un fil, si fin qu'une lésion peut nous être fatale. Depuis qu'elle est partie, leurs vies se sont effondrées. Ils se sont éloignés jusqu'à devenir des étrangers, attendant chacun...