*Camille*

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L'image de Sacha recroquevillé sur son lit me hantait encore alors que Dany me regardait avec attention. Les crises de paranoïa de Sacha n'avaient pas été aussi fortes depuis quelques mois et notre père n'avait pas arrangé son cas. Le manque d'alcool l'avait emporté dans une folie incontrôlable. Je me sentais épuisée, lasse de chercher notre rédemption, découragée de la retrouver un jour. Il était devenu clair que nous nous étions accrochés à l'espoir de son retour mais celui-ci s'étiolait au fil du temps. Ce fil que je sentais de plus en plus fin et sur lequel nous marchions en tentant de garder l'équilibre avant la chute probable.

- Je te parle Cam.

La voix de Dany me tira de mes pensées qui, devenant plus sombres de jours en jours, m'éloignaient du monde extérieur.

Je levais mes yeux et décryptais son regard, observais l'épaisseur de ces sourcils qui lui donnait un air d'ours, sa bouche fine, légèrement pincée, comme s'il était en permanence en colère. Sa peau semblait grise et contrastait avec le rouge de ses yeux.

- Qu'est-ce que tu fous ?

- Laisse-moi.

Je m'éloignais sur les pavés de la berge tandis qu'il restait sur le banc. L'air marin sentait le sel, collait des mèches de mes cheveux sur mon visage. Il posa ses mains sur mes épaules, me faisant sursauter. Je ne l'avais pas entendu arriver. Il pressa ses mains et approcha son visage de ma joue, me provoquant quelques frissons. Je m'aperçus que mon corps s'était tendu, sans prévenir. La présence de Dany m'était parfois insupportable, étouffante. Je baissais les yeux sur mes pieds.

- À quoi tu penses ?

- Rien.

Sa présence se fit encore plus imposante, impressionnante. Je me sentais prise au piège.

- Tu ne me fais pas confiance ?

- Seulement quand tu es sobre.

- Tu ne t'en préoccupes pas quand tu planes totalement.

- Je veux qu'on arrête ça. On ne peut pas continuer à vivre entre deux mondes, soit on vit, soit on meurt. On n'a pas le droit de vouloir contourner la réalité, c'est trop facile, c'est égoïste et lâche.

- Tu te crois meilleure que les autres ? Tu penses être si différente ? Mais tu es comme nous Cam, ta vie n'a aucun but et tu n'as pas le courage d'y mettre fin. On est des exclus, on s'en fout de nous. Alors autant se shooter pour se sentir bien, on est dans notre monde ! Ils ne peuvent pas comprendre et ils sont tous égoïstes. Ils nous regarderaient crever s'ils le pouvaient, ils t'aideraient à te suicider si tu leur demandais.

Je posais ma main sur sa joue, plongeais mes yeux dans les siens. Je ne me reconnaissais plus dans son regard, dans ses pensées. J'avais cru que la vie ne valait rien, tout comme la mort, que nous pouvions nous laisser emportés par les flots. Je ne savais pas ce qu'étais aimer, mais je savais qu'il n'y avait jamais eu d'amour entre nous. Je n'avais plus besoin de son contact humain pour me sentie vivante, j'étais vivante par d'autres moyens.

- Tu m'inquiètes Dany, tu ne vas pas bien. Tu refuses la vie, comme la mort. Tu ne vois rien d'autre que la noirceur des gens mais ils ont bien plus à t'offrir que tu ne le penses. On s'est nous-mêmes exclus, nous avons refuser de nous voir comme eux mais nous sommes tous dans le même navire. 

Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant