*Camille*

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Les sirènes de la voiture de police me vrillent les tympans. On roule vite, si vite qu'en moins de cinq minutes nous sommes arrivés sur les digues. Les gyrophares bleus éblouissent les anciennes cabanes de pêcheurs postées près des digues. Sur la plage, quelques badauds se baladent ou s'arrêtent pour admirer le couché du soleil. Le ciel enflammé se reflète sur l'eau comme des millers de paillettes éparpillées. Nous aussi venions observer le couché du soleil les soirées d'été. Papa nous y emmenait et posait notre serviette sur le sable. Assis entre ses jambes pour nous protéger du vent, nous attendions le spectacle avec impatience. Mais là c'est différent. Je m'égosille avec l'espoir que Sacha me réponde et j'observe chaque personne que nous croisons. Rien. Personne. Aucune aide. Plus loin des sauveteurs observent l'eau si calme, fidèle à son remous quotidien. Je regarde ma montre. 21h30. La marée sera bientôt haute. D'ailleurs, elle avance vite sur le sable sec de la journée ensoleillée. Ma tête tourne, le sang afflue et frappe mes tempes. Le vent commence à souffler doucement, rafraichissant l'ai ambiant.

- Il n'y a rien ici, déclare l'un des hommes en uniforme bleu.

Je m'effondre sur le sable, impuissante. Ma tête se vide, mon ventre se tord à l'idée de l'avoir perdu lui aussi. Rien ne sort. On a tous ce genre de choc, si profond que nous ne pouvons l'exprimer d'aucune façon. La douleur, la peur et le sentiment de ne pas avoir fais assez, de ne pas pouvoir contrôler ces choses qui nous dépassent. La peur de ne pas pouvoir le sauver et le regret, déjà, de s'être apitoyé sur son propre sort sans Putain de vie.

Léo s'accroupit face à moi. Ses mains chaudes ramènent délicatement ma nuque vers lui, jusqu'à ce que nos fronts se collent. Nos soufflent se mélangent alors que nos coeurs battent à un rythme effréné. Le monde n'existe plus. Il y a lui et moi. Notre bulle rassurante.

- Réfléchis Cam, chuchota-t-il.

Les genoux enfoncés dans le sable, les cheveux hirsutes et les lèvres blanches, je n'écoute plus que sa voix. La lettre écrite par Sacha défile devant mes yeux. Son écriture soignée. "Ma navigation s'arrête ici". Les pirates. Nos jeux d'enfants. Il perdait souvent. Je disais "ta navigation s'arrête ici jeune brigand".Le trésor. La grotte.

Je me relève d'un bond. La bulle éclate et je me précipite sur le premier policier près de moi.

- La grotte, il est à la grotte ! Il nous faut un bateau, vite !

- Mon oncle a un bateau, s'écrit Léo. Suivez-moi !

Nous nous rendons à toute allure au point d'amarrage le plus proche. Près des bateaux, les pontons de bois craquent à chaque pas que nous faisons. Les embarcations tanguent légèrement au rythme de l'eau, plus calme dans le petit port improvisé. Léo saute dans un chalutier de taille moyenne, à la peinture bleue écaillée par l'écume. Aidée par un des policiers, je décroche les cordes qui retiennent l'embarcation au ponton. Léo fait vrombir le moteur et nous le rejoignons tous à bord. Les filets de pêche jonchent le sol poisseux et l'odeur de la mer pique les narines. Les fares allumés, nous avançons sur l'eau, quelque peu houleuse avec la levée du vent. Léo semble connaître chaque fonction de l'engin par coeur. A coté de lui, je l'aide à se diriger vers la grotte avec l'infime espoir que mon frère s'y trouve en vie. 

Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant