Je m'arrêtais brusquement sur le trottoir. Un peu plus loin j'apercevais distinctement ma maison, son petit jardin où les fleurs ne poussaient plus depuis longtemps, son portail de bois pourri par endroits et dont la peinture s'est écaillé. Ce n'est pas cet entrelacs de feuilles et de mauvaises herbes, ni le crépi noirci par le temps qui attirèrent mon regard. Non, ce qui me surprit c'était les volets. Ils étaient ouverts. J'eus l'espace d'un instant l'espoir qu'elle soit revenue mais j'oubliais vite cette idée. Je me pressais tout de même jusque la porte d'entrée. Mes mains étaient moites, mes jambes fourmillaient. Fébrile, je posais rapidement ma main sur a poignée. Elle me semble glaciale. Je n'eus pas le temps de presser la poignée que la porte s'ouvrit.
- Mamina ?
- Entre donc ! Je pensais que tu n'arriverais jamais.
La maison me sembla toujours aussi triste. Je retirais mes chaussures et mon manteau. La lumière filtrante se posait sur les meubles poussiéreux. J'eus soudain honte que ma grand-mère assiste à nôtre désespoir, nôtre vie de déchets.
Je suivit ma grand-mère dans la salon. J'aperçus dans la cuisine quelques bouteilles d'alcool forts, laissées là par mon père. Sur la table basse elle m'avait elle avait laissé une théière encore chaude. Elle me servit en silence tandis que je m'asseyais dans le canapé, gênée par les souvenirs que remontaient sa présence en ce lieu. Chacun de ces gestes étaient tendres, comme ceux de maman l'avaient été. Qu'avais pu penser mamina en entrant dans ce qui avait été un foyer heureux et paisible ? Avait-elle penser à maman ? J'espérais naïvement que mon père ne s'était pas trop laissé aller à l'alcool dans la journée.
Mamina s'assit dans le vieux fauteuil marron, sur lequel mon père avait lu son journal durant toute nôtre enfance. Je pris entre mes mains la tasse chaude de thé au miel. L'odeur sucré me rendit nostalgique. Il y avait longtemps que l'on ne m'avait pas préparé de thé au miel. Je n'osais pas lever les yeux du liquide brûlant de peur d'y voir la déception et la tristesse dans les yeux de mamina, ou bien était-ce parce que je ne voulais plus avoir à regarder nôtre déchéance à travers chaque meuble qui nous entourait.
- C'est ton frère qui m'a appelé Camille.
Les battements de mon coeur s'accélérèrent. Je levais enfin les yeux de mon thé pour chercher dans le regard mamina des réponses sur l'état de santé de mon frère. Je savais qu'il n'allait pas pour le mieux, moi non plus d'ailleurs.
- Il est allé au lycée ce matin.
- Je sais, je l'ai aperçu.
- Il avait oublié ces médicaments.
La terreur m'envahit alors. Qu'avait-il fait ? Je savais ce que ces délires pouvaient provoqués. Il n'était plus lui-même, chaque objet devenait un élément de sa peur. Je l'imaginais déjà de retour dans cet endroit où les murs m'avaient toujours semblé plus gris que blanc et où l'odeur avait imprégné les vêtements de mon frère à tel point que j'avais hésité chaque fois qu'il avait souhaité que je l'y accompagne. Cela faisait deux ans que je n'y étais pas retournée. Mamina dut sentir mon corps se raidir car elle ajouta :
- Il est dans sa chambre. Il se remet de ses émotions.
- D'accord, merci d'être venue Mamina.
Sur ces mots, je décidais de m'échapper du salon. Je ne voulais pas la mettre à la porte mais je ne pouvais supporter plus longtemps l'idée qu'elle ait pu assister à cela.
Je savais que mon frère lui rendait visite régulièrement. Personnellement je m'étais petit à petit éloignée de ma grand-mère qui me rappelait chaque réunion de famille, chaque repas passé ensemble autour de la table de nôtre salle à manger. Chez mamina il sentait toujours cette odeur de douceur empli d'amour et les photos de maman tapissaient presque les murs. J'avais fui tout cela par peur sûrement, peur de l'oubli de ces souvenirs remplacés par d'autres, moins joyeux et moins tendres à mes yeux.
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Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)
Novela JuvenilIl y a ces moments où l'on s'aperçoit que nous ne tenons plus que sur un fil, si fin qu'une lésion peut nous être fatale. Depuis qu'elle est partie, leurs vies se sont effondrées. Ils se sont éloignés jusqu'à devenir des étrangers, attendant chacun...