*Sacha*

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J'avalais mes médicaments en une seule gorgée d'eau. L'habitude, une de celle dont nous voudrions nous débarrasser bien malgré nous. Accroupis sur le carrelage froid, le dos appuyé contre le meuble de cuisine j'inspirais un grand coup. Mon corps me semblait vide, comme s'il n'y avait plus rien à l'intérieur à découvrir. L'eau fraîche coulait dans mon oesophage parce qu'il le fallait mais je ne ressentais plus le soulagement habituel du à cette sensation. Ce corps n'était plus que réduit à son état d'enveloppe corporelle, tel une coquille vide. Le léger tic-tac de la pendule de la cuisine me narguait, écoulant les minutes comme si elle savait déjà combien de temps il me restait. Chaque son de l'aiguille m'étais plus insupportable que le précédent, comme amplifié. Il y avait longtemps que mon âme s'était petit à petit échappée. Elle avait glissée entre mes doigts sans que je ne puisse jamais la retenir. Elle avait fini pas disparaître, ne laissant que les souvenirs d'enfants.

De nouveaux sons perturbèrent celui de la pendule. Le mouvement incessant des aiguilles diminua sensiblement, hors de ma propre tête. Libéré du joug du sablier de ma vie, je perçus distinctement des éclats de voix. Après quelques instants à recouvrer toutes mes sensations réelles, je reconnus la voix de Camille. Elle &tait grave, inquiète, presque inaudible comparé à celle qui lui répondait. Réalisant soudain qu'il se passait quelle chose d'anormal, je laissais le verre à moitié plein sur le sol, et me précipitais à a fenêtre la plus proche. Sur le trottoir devant notre portail, ma soeur, penaude, discutait sérieusement avec un garçon de nôtre âge. Plutôt grand et malingre, le regard dans le vague. Je reconnus un de ceux qui l'accompagnait lorsque je les avais croisés au lycée. Leur conversation ne me parvenait pas clairement, mais i était clair qu'ils se disputaient. Ils étaient trop absorbés par leur discussion pour remarquer ma présence derrière la fenêtre. Je me sentais coupable de les observer à leur insu, mais quelque chose me retenait de partir. Un sentiment infime et inexplicable m'obligeait à garder ma position. Mon corps était en contradiction avec mes pensées comme si Camille elle-même me retenait à cet endroit. Pour des raisons qui me dépassaient, je sentais que je n'avais pas le droit de bouger, que je ne pouvais ignorer ce pressentiment.

Je compris ce qui me poussait à rester près de cette fenêtre quand la situation dégénéra quelques instants seulement après que je m'y sois posté. L'adolescent avait saisi les poignets de Camille qui grimaçait légèrement sous la pressions qu'il exerçait. Elle tenta de se libérer de son emprise mais il était nettement plus fort qu'elle. C'en était trop pour moi. Sans plus attendre je me dirigeais vers la prote et accourait hors de la maison. Dehors, le garçon secouait ma soeur, blême, avec violence. Elle avait abandonné et attendait les coups sans même protester. Le temps que j'arrive à leur hauteur il l'avait déjà frappée par deux fois. Un coup sur le visage avait fait exploser sa lèvre supérieure. Plaie saignait abondamment alors qu'elle se pliait de douleur après avoir reçu un genoux dans l'abdomen. Mue par une force que je ne me connaissais pas, je poussais l'agresseur de tout mon corps. Surpris, il bascula violemment au sol. Sonné par le choc; il n'eut pas le temps de se relever que je me jetais sur lui. Les coups pleuvaient sans même que je ne prête attention de l'endroit où ils atterrissaient. Derrière moi, Camille était tétanisée. Je ne sais plus combien de temps je m'étais acharné à défigurer ma victime avant que ma soeur ne m'arrête. La lèvre supérieurs tuméfiée, les joues mouillées de larmes elle m'implorait de ne pas le tuer. Sa main ensanglantée se posa sur mon poignet, stoppant net mon excès de rage. Le garçon, que ma soeur appelait Dany, se relevant chancelant. Son oeil droit avait gonflé et lui était impossible de l'ouvrir. La moitié de son visage avait été égratigné dans sa chute. Sur son corps on apercevait déjà quelques bleus. Abasourdis par mes propres gestes, je suivis Camille qui me tirait par la main. Je lançais un dernier regard au dénommé Dany sur lequel je m'étais acharné et qui, j'en étais persuadé, ne reviendrais plus. 

Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant