*Camille*

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La musique me frappait les tympans tandis que je soufflais la fumée de ma cigarette. Je la regardais disparaître dans l'air après avoir fait quelques volutes blanches. Nous étions tous voués au même sort finalement.

Il commençait à faire froid, le soleil s'étant partiellement caché derrière l'horizon. Mais peu m'importais. J'avais l'impression que sur ce toit plus rien ne m'atteignais. Il n'y avait que moi, face à la beauté apparente du monde. Au fond, rien n'était beau. La beauté n'est que futilité, un mot inventé pour les romantiques bercés d'illusions. Cela ne sert qu'à flatter pour cacher un désir égoïste et charnel, où les sentiments n'existent pas.

Trois grands coups sourds me firent sortir de ma torpeur. J'écrasais à la hâte le mégot sur les tuiles de la maison, voyant mon plaisir du soir s'envoler. Puis, je glissais mon corps menu par l'ouverture du velux. A nouveau on tambourina à ma porte. Je l'ouvris en grand, agacée par cet acharnement. Je fus d'abord étonnée. Sacha se tenait, là, sur le pas de ma porte, les larmes aux yeux et les joues rouges.

- Qu'est-ce que tu me veux ?

- L'assistance sociale du lycée veut un rendez-vous avec papa.

Ma main se crispa sur la poignée de la porte.

- Qu'est-ce que tu as encore fait ? m'énervais-je.

Le visage de mon frère se décomposa. A cet instant, il ressemblait davantage à un enfant apeuré qu'au monstre que je connaissais, et je sentis mon cœur s'attendrir. Vite ! Il fallait terminer cette conversation. Je me repris rapidement, sachant qu'au moindre faux pas je me noierais.

- Je n'ai rien fait, elle veut savoir pourquoi j'ai quitté l'école.

Les joues de Sacha étaient mouillées et il reniflait bruyamment.

- Tu n'as qu'à lui dire la vérité puis elle nous laissera, comme tous les autres.

Sans un regard de plus, je claquais la porte de ma chambre. Et me réfugiais sous ma couette pour me protéger du monde extérieur. Mon corps se mit à trembler de manière incontrôlable et je fermais les yeux pour ne pas pleurer. Je ne savais si j'avais peur que le lycée vienne prendre des nouvelles de mon père, ou si le simple fait d'avoir parlé à mon frère me rappelait la tristesse qui m'envahissait au souvenir de nos jeunes années. J'essayais d'oublier son visage, que j'avais pris soin de ne jamais détailler, de ne jamais croisé plus d'un quart de seconde. Je m'étais créé une sorte de bulle protectrice, où Sacha ne pouvait avoir de place. Je m'étais donc évertué à effacer ses traits de ma mémoire, afin de ne pas le reconnaître, de ne pas savoir et éviter à ma mémoire un retour en arrière douloureux.

Il lui ressemble tellement. 


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Deux chapitres publiés en une soirée ! J'espère que vous les avez appréciés ! Petit cadeau pour vous car je m'absente pendant une semaine de vacances ! Je ne manquerais pas de me replonger dans l'écriture, soyez-en sûrs ! Prochaine publication le week-end des 19 et 20 août !

Bonnes vacances chers lecteurs !  

Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant