*Camille*

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J'entrouvris la porte de la chambre de mes parents, ou plutôt de ce qui me restait de père. Il buvait encore et toujours, peu lui importais que son haleine empeste l'alcool à peine le soleil levé. Je n'étais même pas sûre qu'il sache encore si l'on était le matin ou le soir.

Il ne remarqua pas ma présence, jamais il ne la remarquais. Chaque matin je le regardais se détruire avant de partir au lycée. C'était une manière de me rappeler qu'il ne fallait avoir aucune pitié pour Sacha. J'endurcissais ainsi mon coeur avant de partir, il ne fallait pas que je me laisse aller, au risque de me prendre d'affection pour mon frère. J'étais constamment en colère, contre lui, contre elle et contre tous ceux qui n'avaient rien tenté pour nous aider alors que nous coulions. C'est de sa faute si maman est partie, un matin ou un après-midi...je ne sais pas.

* * *

Il faisait beau, le soleil était éclatant. Il brûlait ma peau, tandis que je pédalais pour me rendre au lycée. Mon coeur était serré. Je pensais à Sacha que j'aimais tant. Comment avais-je pu être aussi aveuglée ? Pourquoi n'avais-je rien vu ? Je passais le plus clair de mon temps avec lui, nous n'étions jamais l'un sans l'autre, et pourtant... Je soufflais un grand coup. Tout allait s'arranger, c'est ce que les médecins avaient dit. Mais mon coeur saignait et la plaie ne se refermait pas

A ce moment-là, je ne me doutais pas qu'elle repassait une à une ses affaires, les rangeais soigneusement dans sa valise, celle qu'elle prenait pour les vacances. Le soir elle avait disparue, et chaque morceau d'elle s'était envolé à sa suite. Elle avait pris soin de ranger nos chambres une dernière fois mais n'avait laissé aucun message, aucune trace de son passage dans nos vies. Sa ligne téléphonique n'existait plus. Je réalisais alors qu'elle n'étais plus qu'un fantôme, ayant fait un passage furtif dans nos vies.

On se mit alors à dériver chacun de notre côté, tels des détritus flottant entre la surface et les profondeurs après un ras-de-marée. La boisson devint l'unique refuge de mon père, il se berçait dans les bras de ses bouteilles tandis que je me réfugiais dans la drogue parce que planer soulage mon corps de ses blessures invisibles à l'oeil nu. Sacha se renferma sur lui-même, il ne vint même plus au lycée et passait son temps à la plage. Les premiers temps je le suivais discrètement jusqu'à la plage. J'avais peur qu'il perde le contrôle, même si les médecins l'avaient laissé sortir parce qu'il « allait mieux ». Mais je finis par me lasser de l'observer et j'étais anxieuse à l'idée qu'il puisse me découvrir. Je n'avais aucune envie qu'il retourne sa colère contre moi.

« Il nous tueras tous » avait dit maman aux médecins. Elle avait raison, il avait déjà commencé. 

Nos Âmes Brisées (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant