[2] Souviens-toi

Chapitre 1 - Naïl

— Afrah ! Tu es prête ?
— Oui, j'arrive !

J'ajuste ma chemise et ma coiffure puis je sors de ma chambre pour aller l'attendre dans l'entrée. Je n'ai jamais vu une fille aussi lente qu'Afrah. On dit souvent que les femmes prennent du temps pour se préparer et cette information est confirmée pour elle. Elle passe au moins trois heures à se maquiller et à s'habiller ! Je suis donc obligé, pour chaque événement, de la prévenir en avance pour qu'elle puisse se préparer plus tôt. L'inconvénient c'est qu'avec elle, les surprises ne sont pas simples à organiser voire même impossible. Et je parle par expérience. En un an de relation, toutes mes tentatives ont échoué mais là n'est pas le sujet. Pour en revenir au point de départ, Afrah est le genre de personne auquel on doit mentir sur l'heure de rendez-vous.

— C'est bon, je suis prête ! dit-elle en me rejoignant, éblouissante.
— Tu t'es faite belle dis-donc.
— Merci. Toi aussi, tu es très beau !

On sort de mon appartement — et oui j'ai mon propre appartement maintenant. Je dis « mon » car je suis le seul propriétaire. Afrah habite simplement avec moi — puis on descend pour regagner ma voiture. J'ai aussi changé de voiture. Au final je suis bien mieux avec celle-là. Elle fait moins je-me-la-pète que mon ancienne. En fait je me suis séparé de tout ce qui ne me ressemblait pas, y compris des cartons remplis de vêtements et d'autres affaires que j'ai donné à des associations. J'ai fait un grand tri avant mon déménagement pour ne pas m'encombrer — notamment pour arrêter d'être une personne que je ne suis pas, influencée par tout et tout le monde — il n'y a que mon ancienne voiture que je n'ai pas donné. Il fallait bien que je me fasse un peu d'argent. Ainsi, je me suis débarrassé du cliché.

— Tu es sûr que tu ne préférerais pas qu'on passe la journée ensemble au lieu d'aller chez tes parents ?
— Oui je suis sûr. Si je fête mon anniversaire c'est avec ma famille et personne d'autre.
— Mais ça fait longtemps qu'on n'a pas passé une journée rien que tous les deux ! râle -t- elle.
— Si tu n'es pas contente, je peux encore faire demi-tour et te déposer à la maison.
— Non c'est bon. Je reste avec toi.

J'allume la radio et me concentre sur la route. Elle ne va pas me prendre la tête pour ça alors que la semaine dernière, sur mes heures libres, je l'ai emmenée faire du karting parce qu'elle en avait envie ! Je ne suis pas quelqu'un qui me laisse faire mais je lui fais régulièrement plaisir et accepte, la plupart du temps, tout ce qu'elle me demande.

— Excuse-moi, Naïl. C'est juste que j'ai l'impression que ta famille ne m'aime pas...

Je lui jette un rapide coup d'œil et je soupire.

— Ils t'apprécient mais...
— Mais ?

Son regard me fixe intensément, attendant ma réponse, mais je ne sais pas trop comment la rassurer alors je préfère ne rien dire. C'est mieux qu'une affirmation qui serait peut-être fausse.

— Voilà... même toi tu n'as pas d'argument.
— On est arrivé. annoncé-je en coupant le moteur.

L'ambiance est assez tendue entre nous. Je ne l'attends pas et je monte à mon ancien appartement. La porte s'ouvre sur la femme de ma vie qui rayonne de mille feux.

— Bonjour mon fils, bon anniversaire ! dit-elle en me prenant dans ses bras.
— Merci maman, dis-je en lui souriant. Mais dis-moi, tu t'embellies de jour en jour ! Tu es resplendissante.
— Merci mon chéri mais je ne suis plus toute jeune maintenant...
— Maman... Peu importe l'âge ou le nombre de rides que tu auras, tu resteras toujours la plus belle à mes yeux.

Elle m'embrasse et accueille chaleureusement Afrah qui nous a rejoint. Pour l'instant je ne vois rien qui prouve que ma mère ne l'apprécie pas. Je compte être observateur toute la soirée en plus d'en profiter un maximum.
On va s'installer dans le salon où se trouve le reste de ma famille. Je fais le tour pour les saluer. Ça faisait un petit moment que je ne les avais pas vus et je dois dire que je suis très heureux d'avoir tous les membres de ma famille, ou presque, réunis aujourd'hui pour mon anniversaire.