Au début, Simon crut s'être trompé d'endroit.
Tous les bâtiments se ressemblaient dans cette zone industrielle : de tristes rectangles de tôle et de béton gris, entourés de parkings goudronnés et de clôtures grillagées. La seule chose qui les différenciait était le nom de l'entreprise peint sur la façade. Tout semblait désert. Puis il remarqua le grand nombre de voitures garées près du hangar. De grosses cylindrées bien trop luxueuses pour le coin. Un dimanche soir, ça ne pouvait pas être un hasard.
Il essaya la porte principale de l'entrepôt mais elle était verrouillée, et il ne vit aucune lumière derrière la vitre dépolie. En faisant le tour du bâtiment, il découvrit un escalier de secours. Après avoir grimpé quatre à quatre les marches métalliques, il déboucha sur une coursive qui longeait toute la façade arrière. Tout au bout, une cigarette rougeoya dans la nuit. Simon distingua un homme posté à l'autre extrémité de la passerelle, adossé au mur près d'une double porte de sous laquelle sourdait une lumière bleutée. Il perçut des vibrations étouffées, la pulsation cadencée d'une musique électronique, qui s'intensifièrent au fur et à mesure qu'il s'approchait de la porte.
L'homme se redressa et jeta son mégot en le voyant arriver. Un type tout en muscles, constata Simon, un peu à l'étroit dans son smoking de location, et qui faisait facilement une bonne tête de plus que lui. Son cou de taureau semblait à deux doigts de faire sauter le nœud papillon de soie noire qui l'enserrait.
_ Bonsoir, monsieur, le salua poliment le cerbère, tout en le toisant d'un air suspicieux.
Avec sa barbe naissante et négligée, son manteau élimé et son jean crasseux, le nouveau venu n'avait pas vraiment la dégaine des clients habituels. Mais est-ce qu'on pouvait vraiment savoir avec ces bourges pleins de frics ? C'était bien leur genre de venir s'encanailler ici habillés comme des clodos mais les poches pleines à craquer de billets de cent.
_Ceci est une soirée privée, puis-je voir votre invitation ?
_ Mais très certainement, je dois l'avoir quelque part, répondit aimablement Simon.
Il se mit en devoir de fouiller ses poches les unes après les autres.
_ Ah ! la voilà ! s'exclama-t-il enfin, triomphant, en sortant une petite enveloppe de l'intérieur de son manteau.
Il la décacheta et versa son contenu, un peu de poussière blanche aux reflets d'argent qui se répandit dans sa main. Il brandit sa paume ouverte sous le nez du portier.
_ C'est quoi, ces conneries..., commença le gorille.
Avant qu'il ait pu finir sa phrase, Simon lui souffla au visage un nuage de poudre argentée. L'homme se figea aussitôt. Ses yeux devinrent vitreux et ses traits prirent une expression à la fois lointaine et béate.
_ Fais de beaux rêves, lui murmura Simon en le contournant pour ouvrir la porte.
~*~
L'ambiance à l'intérieur du hangar était électrique. Frénétique.
Une musique agressive faisait vibrer l'air et Simon pouvait sentir ses basses résonner dans tous les os de son corps. Mais ce n'était rien en comparaison du bruit de la foule. Plus d'une centaine de personnes, des hommes majoritairement, se pressait sur la coursive métallique qui occupait le premier étage de l'entrepôt, dans un brouhaha confus de conversations et de cris. Des vestes de cuir fatiguées et des survêtements de marque côtoyaient des smokings et des cravates de soie, tous unis dans la même fièvre. Simon vit des billets froissés changer de mains tandis que les bookmakers beuglaient leurs côtes à la cantonade.

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Le Roi de l'Hiver
ParanormalC'est un soir d'octobre comme les autres pour Sarah, une jeune femme sans histoires qui est loin de se douter que sa vie va basculer dans l'étrange. En tentant de secourir un inconnu, elle se retrouve bien malgré elle dépositaire d'un fardeau qui s...