Le Roi de l'Hiver

Chapitre 40 - Le Chevalier Vert

Assis sur son haut trône incrusté d'argent, Maëlkaruos félicitait Ambre mais ses louanges manquaient singulièrement de chaleur. De fait, il ne semblait guère enchanté par ses exploits. Il tenta bien de masquer son agacement, mais l'étincelle sauvage qui embrasait son regard d'or le trahissait.

_ Je suis navré des dommages causés à ton labyrinthe, cependant..., commença Simon.

Maëlkaruos l'interrompit d'un geste aussi élégant qu'impatient.

_ Cela n'a aucune d'importance ! Les miroirs finiront par se reformer d'eux-mêmes, ils ne peuvent rester brisés bien longtemps. Assez avec cela ! Il est temps pour toi de te confronter à la dernière épreuve. Es-tu prêt ?

_ Aussi prêt qu'on peut l'être, je suppose. Que dois-je faire ?

_ J'ai confié la dernière clé de ma chambre des trésors à la garde de l'un de mes plus fidèles vassaux, le Chevalier Vert. Saule te conduira jusqu'à lui. Vainc-le et la clé de bronze sera tienne.

_ Si je dois affronter un chevalier, puis-je au moins avoir une arme ?

_ En as-tu apportée une avec toi ?

_ Bien sûr que non ! M'en donneras-tu une ?

_ Je dois refuser, je le crains. Selon notre accord vous devez remporter ces épreuves par vos seuls moyens.

_ Et comment suis-je censé le vaincre sans arme ?

_ Je suis sûr que tu le découvriras par toi-même. Et maintenant, va ! Ne me fais pas attendre plus longtemps.

Simon soupira. Maëlkaruos n'avait certainement aucune intention de lui faciliter la tâche. Avant de suivre Saule, il s'approcha de Sarah et d'Ambre. Les bras de cette dernière étaient emmaillotés de bandages et son visage zébré de fines lignes rouges.

_ L'attitude de Maëlkaruos ne me dit rien qui vaille, leur dit-il à voix basse. Il ne pensait pas que nous réussirions à ramener ces deux clés. Et il va faire tout son possible pour que je ne revienne pas avec la troisième.

_ Tu penses qu'il va tricher ?

_ Peut-être pas ouvertement. Pour lui, ce serait comme admettre une défaite. Mais je suis sûr qu'il me prépare un mauvais tour. Si je ne reviens pas, vous devez me promettre de partir immédiatement. Sans moi.

_ Mais nous avons passé un marché, objecta Sarah.

_ Maëlkaruos ne nous laissera jamais partir si facilement, renchérit Ambre. Je ne suis pas sûre de pouvoir affronter son armée de korrigans à moi toute seule.

_ Eh bien, vous devrez essayer...

_ Et la boîte de Pandore ? Nous n'allons quand même pas abandonner après tout le mal que nous nous sommes donné !

_ Je ferais de mon mieux pour vous obtenir la clé mais je ne suis pas sûr que Maëlkaruos me laissera vous rejoindre. Vous devrez peut-être trouver la boîte sans moi.

_ La trouver ? Mais on ne sait même pas à quoi elle ressemble !

_ Eh bien pour commencer, ce n'est pas vraiment une boîte. C'est une jarre. C'est ce que vous devrez chercher : un vase, grec, probablement avec un décor rouge et noir...

Saule les interrompit. Elle posa la main sur le bras de Simon.

_ Venez maintenant, mon seigneur s'impatiente. Et il se demande ce que vous complotez tous les trois.

_ Très bien, je vous suis, répondit Simon.

Alors qu'il prononçait ces mots, son corbeau quitta la poutre où il était perché et vint se poser sur son épaule. Brandissant une torche fumante, Saule le conduisit à travers des couloirs dont les murs de pierre devenaient de plus en plus grossièrement taillés à mesure qu'ils s'enfonçaient dans les profondeurs de la demeure de Maëlkaruos. Celle-ci semblait bien plus vaste que Simon ne l'avait imaginé. L'eau était partout, et elle les accompagna jusqu'à bout de leur périple, en ruisseaux bondissants ou en calmes bassins qui miroitaient fugacement à leur passage.