_ Il est temps de te préparer, dit Guillaume en entrant dans la cellule de Thomas.
Celui-ci s'arracha à la méditation dans laquelle il était plongé et se releva, les yeux rougis par la nuit de veille qu'il avait passé en prières dans la chapelle, allongé face contre terre sur la pierre dure. Son ami l'aida à enfiler sa robe de lin, blanche comme celle des novices, et s'assura que ses plis amidonnés tombaient comme il le fallait. Puis il attacha à son cou le cordon de chanvre auquel était suspendue une croix de bois toute simple. Humble et dépouillé : c'est ainsi que Thomas devait se présenter devant ses frères.
_ C'est un grand jour pour toi, ajouta Guillaume avec une accolade fraternelle. Et un grand jour de réjouissance pour nous !
Thomas acquiesça. Il se sentait aussi ému que le jour où il avait prononcé les vœux perpétuels qui le liaient désormais à l'Ordre de Saint Georges. Jamais il n'aurait seulement rêvé qu'un si grand honneur lui échoirait. La décision du commandeur l'avait pris par surprise. Lorsque celui-ci avait annoncé au chapitre qu'ils relèveraient le défi lancé par la Belle Dame, aucune voix ne s'était élevée contre cette idée, même le prieur s'était tenu coi, ébranlé par la confirmation de l'authenticité de la Lance.
C'était un signe de Dieu, avait-il argué, que ce démon les provoque ainsi, au moment même où ils retrouvaient enfin leur relique la plus vénérée. Avec Ascalon pour étendard, la victoire ne pouvait que leur appartenir. La Lance de Saint-Georges sèmerait l'effroi parmi les démons qu'ils avaient fait vœux de combattre, vivant témoignage de la puissance du Très-Haut. Et elle rappellerait à tous de façon éclatante que c'était dans cette abbaye, sous l'autorité de leur Maison, que l'Ordre était né et avait prospéré. Mais lequel d'entre eux allaient-ils choisir pour avoir l'insigne honneur et la lourde charge de manier Ascalon ? Qui serait le Porte-Lance ?
La réponse avait fusé sans attendre : le frère Thomas !
Il se rappelait du vertige qui l'avait saisi en entendant son nom, répété par une centaine de bouches. Être le Porteur de la Lance ! Le premier que l'Ordre ait connu depuis plus de deux siècles...
Guillaume le tira de ses réflexions en plaçant dans ses mains un cierge allumé.
_ Prêt ? Il faut y aller, ils nous attendent.
Thomas avança vers la chapelle comme porté par un nuage. Il lui semblait que ses pieds nus frôlaient à peine le sol. Après deux jours de jeûne, il se sentait aussi léger qu'une plume. Il franchit les portes grandes ouvertes, accueilli par un silence d'un profondeur inhabituelle. Jamais la chapelle ne lui avait parut si belle. Elle ruisselait littéralement de lumière, des milliers de cierges brûlaient sur les candélabres, et on avait suspendu aux murs les bannières de fête en velours rebrodé d'or. Jamais non plus, il ne l'avait vue si pleine : tous les frères des maisons dépendant de la commanderie était venus assister à la cérémonie d'investiture, et se pressaient les uns contre les autres dans la nef et le chœur. Tous portaient la tenue solennelle de leur Ordre : la cape blanche frappée de la croix à la lance, et l'épée au côté.
Le sacristain le rejoignit sur le seuil et lui ouvrit la voie en balançant son encensoir d'argent. La fumée de l'encens se mêla au parfum sucré de la cire d'abeille en train de fondre, et son parfum capiteux lui monta à la tête. Derrière l'autel recouvert de sa nappe la plus fine, et sur lequel était posé le reliquaire de la Lance, tout resplendissant d'or et de pierreries, l'attendait le commandeur, dont la fragile silhouette semblait près de chanceler sous le poids de ses vêtements sacerdotaux.
_ Frère Thomas ? appela-t-il d'une voix encore forte malgré les années.
_ Me voici.
Après avoir fait la réponse rituelle, le jeune homme mit un genoux à terre devant l'autel et déposa le cierge qu'il tenait.
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Le Roi de l'Hiver
FantastiqueC'est un soir d'octobre comme les autres pour Sarah, une jeune femme sans histoires qui est loin de se douter que sa vie va basculer dans l'étrange. En tentant de secourir un inconnu, elle se retrouve bien malgré elle dépositaire d'un fardeau qui s...