Chapitre 41 - La boîte de Pandore

375 54 2
                                    

Dans la salle du trône, Maëlkaruos siégeait en silence, le menton posé dans la main comme s'il était absorbé par ses pensées ; mais ses yeux ne quittaient pas Sarah, assise sur les marches menant à l'estrade. Elle pouvait sentir son regard lui brûler la nuque. Un murmure fébrile parcourait les korrigans de sa cour, qui s'étaient massés dans les recoins de la salle et s'entretenaient à voix basse pour ne pas troubler leur prince à l'humeur sombre. Ils se tenaient également soigneusement à distance d'Ambre, qui faisait les cent pas devant la fosse à feu et leur décochait des regards peu amènes. Elle s'approcha de Sarah.

_ On attend depuis trop longtemps, je n'aime pas ça.

_ Moi non plus, mais il faut garder espoir. S'il avait échoué, Maëlkaruos se serait déjà fait un plaisir de nous l'apprendre.

_ Encore cinq minutes et je vais le chercher moi-même...

Sarah caressa les deux clés suspendues à son cou par un cordon. Le contact froid du métal la rassurait. Elles étaient toujours là. Elle parcourut du bout des doigts leur décoration compliquée comme si elle voulait mémoriser chaque creux et chaque relief ciselés dans l'or et l'argent. Il n'en manquait plus qu'une. Ils y étaient presque ! Si seulement Simon revenait enfin...

Un croassement rauque la tira de ses réflexions. Une forme noire plana entre les piliers de bois sculptés et s'abattit aux  pieds de la jeune femme dans un claquement d'ailes. Le corbeau de Simon... Quelque chose brillait dans son bec : la clé de bronze ! Elle tendit la main vers lui ; il sauta docilement sur son poignet et déposa la clé dans sa paume ouverte. Sarah referma vivement les doigts. Enfin, la dernière clé ! Elle reporta son attention sur la porte, certaine de voir la mince silhouette de Simon s'y encadrer à la suite de son oiseau apprivoisé. Mais personne ne franchit le seuil de pierre.

Le prince se leva d'un mouvement brusque, avec l'air de celui qui vient de voir s'accomplir l'impossible. Une pluie de feuilles brunies tomba de ses cornes imposantes comme d'un arbre secoué par le vent. Il ne regardait plus Sarah, non, son regard était maintenant fixé sur sa main. Sur la clé qu'elle tenait.

_ Où est Simon ? balbutia la jeune femme en cherchant le regard d'Ambre. Il devrait être là...

Celle-ci secoua la tête d'un air sombre. Sarah pâlit. Elle se retourna vers Maëlkaruos, les poings serrés.

_ Où est Simon ? répéta-t-elle plus fort, d'un ton accusateur. Qu'est-ce que vous avez fait de lui ?

Saule se précipita au-devant de Sarah.

_ Ne défie pas mon seigneur, la supplia-t-elle. Pas maintenant !

_ Où est Simon ? lui demanda Sarah, butée.

_ Mon maître l'a fait prisonnier. Mais il est sain et sauf, je le promets, s'empressa-t-elle d'ajouter en voyant la réaction de Sarah.

_ Ambre, on doit aller le chercher !

_ Vous n'arriverez jamais jusqu'à lui ! Il n'y a rien que vous puissiez faire pour l'aider, pour l'instant. Mais moi, je le peux. Je m'assurerais qu'on ne lui fasse aucun mal après votre départ.

_ On ne partira pas sans lui ! Hors de question !

La main de Sarah se crispa sur les clés suspendues à son cou. Ils étaient si proches du but... Elle se campa devant Maëlkaruos. Le prince semblait transformé. Elle n'aurait su dire exactement quoi, mais il avait quelque chose de bien plus sombre, de bien plus dur dans son expression. Ses yeux étaient devenus noirs comme la nuit. C'est donc à cela qu'il ressemble lorsqu'il a perdu, pensa-t-elle. Froid et dangereux comme une lame tirée du fourreau. Et cette lame était dirigée vers elle.

Le Roi de l'HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant