Chapitre 20 - Les serpents de craie

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_ Je ne sais pas qui est le plus cinglé de nous deux, déclara Ambre en soupirant. Toi, pour avoir une idée aussi tordue, ou moi pour t'avoir suivie jusqu'ici. Attaquer une commanderie de Frères de la Lance, tu n'as vraiment rien trouvé de mieux ? Il y a des façons beaucoup plus simples de se suicider, tu sais.

_ Voyons, je n'ai jamais dit que nous allions attaquer qui ce soit, nous allons simplement récupérer quelqu'un, répliqua Simon depuis le siège arrière de la Renault.

_ Qui ça ?

_ Une jeune fille qui doit avoir bien besoin de notre aide à l'heure qu'il est, si mes informations sont exactes. Et elles le sont, tu peux me croire.

_ Et comment on va s'y prendre, exactement ? On toque à leur porte et on demande gentiment ?

_ Je pensais à quelque chose d'un peu plus subtil, comme passer par leur garage souterrain pour entrer.

_ Il n'est pas surveillé ? demanda Ambre avec surprise.

_Bien sûr que si, cette commanderie est mieux gardée que la Banque de France. Il doit y avoir au moins une caméra de surveillance au mètre carré... Mais tout cela ne leur servira à rien une fois que je m'en serais occupé.

Il sortit un papier de la poche intérieure de son manteau, sur lequel on avait griffonné un plan grossier, et le lui montra.

_Regarde, leurs cellules se trouvent au premier sous-sol...

Ambre haussa un sourcil inquisiteur.

_ Ne me demande pas comment j'ai obtenu ces informations, ce serait une trop longue histoire.

_ Et elle n'est probablement pas très reluisante non plus, commenta-t-elle à mi-voix.

_ Malheureusement, continua le magicien sans lui prêter attention, je n'ai qu'un plan partiel, il faudra nous débrouiller avec. Bon, mon idée est très simple : tu entres par le garage - la porte ne devrait pas être trop difficile à forcer -, tu la trouves  et vous repartez par le même chemin. Il est bientôt minuit, l'heure de l'office des mâtines : ils seront tous à la chapelle, tu ne devrais trouver personne sur ta route. Si tout se passe bien, tu seras entrée et ressortie avant qu'ils aient remarqué quoi que ce soit.

_ Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que ça va être un peu plus compliqué que tu ne le dis...

Simon fourragea dans ses poches et finit par en sortir un petit morceau de craie bleue, qu'il examina brièvement avant de hocher la tête d'un air approbateur. Oui, il en restait suffisamment pour ce qu'il avait en tête. Les Chevaliers, pensa-t-il avec dédain. Malgré leurs caméras de sécurité et leurs ordinateurs sophistiqués, ils étaient tout aussi archaïques que ceux qu'ils pourchassaient. Des créatures qui appartenaient à un monde révolu. Pourtant ils s'en remettaient un peu trop à la technologie, une faiblesse que Simon comptait bien exploiter.

_Fais-moi confiance, ils ne te verront même pas arriver.

~*~

Elle était de retour dans sa cage.

Mais cette fois-ci elle était pleinement consciente de ce qui l'entourait, le brouillard chimique qui obscurcissait ses sens et son esprit s'était complètement dissipé. Enveloppée d'une couverture grise qui la grattait et assise en tailleur sur l'étroite banquette qui devait servir de lit - le matelas était si fin qu'elle aurait pu compter chaque latte du sommier métallique sans les voir - Sarah tenta de remettre de l'ordre dans ses pensées. Les deux brutes en robe de bure qui l'avaient traînée ici avaient superbement ignoré toutes ses questions. C'était à peine s'ils lui avaient adressé un regard avant de claquer la grille derrière eux et de la laisser plantée là, grelottant dans ses vêtements trempés. Quoique ces types aient voulu tirer d'elle, ils ne l'avaient manifestement pas obtenu. Un frisson lui parcourut l'échine à l'idée de ce qu'ils seraient prêts à faire pour parvenir à leurs fins.

Le Roi de l'HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant