Chapitre 26 - Hôtel Nakatomi

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_ Tu es sûr que c'est ici que tu veux descendre ? demanda Ambre d'un ton dubitatif. J'ai l'impression que cet hôtel est un petit peu au-dessus de nos moyens..

_ Absolument sûr, répondit Simon distraitement. Auberon lui-même me l'a recommandé.

Il était assis sur le siège passager à côté d'elle, très occupé à tailler quelques journaux gratuits ramassés dans la rue en petits morceaux d'égales dimensions.

_ Je pense toujours qu'on devrait s'éloigner  de Paris autant que possible . Je n'aime pas l'idée de rester si près de ces satanés Chevaliers...

_ Les Chevaliers ne retrouveront jamais notre piste. Personne ne sait où nous nous trouvons.

_ Mais qu'est-ce que tu manigances ? dit-elle en le regardant faire.

_ Et voilà, c'est terminé ! s'exclama-t-il. Je crois qu'il y en a assez.

Il tenait une pile de rectangles grossièrement découpés épaisse comme le poing. Il se mit à frotter les papiers entre ses mains jointes, puis souffla dessus à trois reprises.

_ Et à quoi ça va servir ?

Sarah les observait en silence depuis la banquette arrière, la tête renversée contre le dossier. Elle n'avait presque rien dit depuis son coup de fil. Elle se sentait étrangement calme, comme si toutes ses émotions l'avaient désertée, ne laissant derrière elles qu'une coquille vide et indifférente. Simon lui avait fait quelque chose, elle le savait... mais elle s'en fichait. Elle n'arrivait pas à se sentir concernée. Et c'était peut-être mieux ainsi.

_ Laissez-moi vous montrer..., dit Simon en écartant les mains.

Les morceaux n'avaient plus la teinte grisâtre du papier recyclé mais avaient pris une couleur jaune. Sarah se pencha en avant et saisit l'un des rectangles aux bords parfaitement nets.

_ C'est un vrai ?

Elle froissa le billet de banque entre ses doigts et l'examina. Le papier filigrané, l'encre, et même la bande holographique : tout avait l'air parfaitement authentique.

_ Bien sûr que non. Ce n'est toujours qu'un bout de journal, il a juste l'apparence d'un billet... pour un certain temps.

_Alors ils ne sont pas réels ?

_La réalité, ma chère Sarah, n'est qu'une question de point de vue.

_Combien de temps ça va tenir ? s'enquit Ambre.

_Suffisamment longtemps pour ce à quoi ils vont nous servir, fais-moi confiance.

_ Je n'aime pas trop quand tu dis ça. En général, c'est mauvais signe...

Ils sortirent de la voiture, garée à quelques mètres de l'un des gratte-ciels de la Défense et remontèrent le tapis rouge bordé de topiaires qui menait à l'entrée. Une plaque de bronze annonçait les cinq étoiles de l'établissement dont le nom s'imprimait en lettres dorées sur les portes vitrées : HÔTEL NAKATOMI. Ils pénétrèrent dans un vaste hall tout de métal, de verre et de marbre noir. Sarah fut aussitôt frappée, et un peu intimidée, par le mélange de sobre élégance et de luxe feutré qui se dégageait de l'endroit. Quelques clients lisaient des journaux ou conversaient, confortablement installés dans de profonds fauteuils de cuir. La décoration, ultra-moderne, avait un côté très japonisant avec ses portes coulissantes en papier de riz et ses bonzaïs minutieusement taillés. Une gigantesque reproduction d'une laque ancienne représentant un vol de grues couvrait tout le mur du fond de ses motifs noir et or. Des lampes de designer travaillées comme de véritables sculptures répandaient une lumière tamisée qui atténuait quelque peu la froideur de ce décor épuré. Simon se dirigea vers la réception sans hésiter, avec ce même aplomb un peu crâne qu'il semblait garder en toutes circonstances.

Le Roi de l'HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant