Chapitre 16 - Amis ou ennemis ?

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_ Comment avez-vous pu laisser Veneur vous échapper ? tonna le père Athanase, sa voix courroucée se répercutant sous le plafond voûté de la salle capitulaire. Et, au nom du ciel, à quoi pensiez-vous en l'attaquant sans avoir le moindre renfort ? Vos ordres étaient simplement de le suivre !

Une grande lassitude se peignit tout d'un coup sur le visage raviné du vieil homme, comme si cet éclat avait usé ses forces. Il se laissa retomber dans son fauteuil avec un soupir.

_Vous vous êtes montrés bien téméraires tous les deux, je suis surpris que vous soyez encore en vie..., souligna le prieur assis à la droite du commandeur, un homme à la silhouette longiligne et juvénile qui répondait au nom de Philippe.

Debout de l'autre côté de l'épaisse table de chêne, Thomas et Guillaume accueillirent ces remontrances avec humilité. Ils étaient arrivés à la commanderie de Sainte-Marthe depuis moins d'une heure lorsqu'on les avait convoqués séance tenante, leur laissant à peine le loisir de changer de vêtements et de faire un brin de toilette avant de paraître devant le commandeur. Ils venaient tout juste d'achever le rapport détaillé de leur escarmouche avec le vassal de la Dame.

_ Nous avons été forcés d'intervenir, mon père, se justifia Thomas. Sa meute s'en est prise à la jeune femme sous nos yeux. Et je ne crois pas qu'il s'agisse d'un hasard : je suis sûr qu'ils la traquaient.

_ Et pour quelle raison Veneur aurait-il pris cette femme en chasse ? demanda le frère Donatien, qui siégeait à la gauche d'Athanase.

Bien qu'il eut déjà atteint la soixantaine, le frère maréchal avait conservé une puissante musculature de soldat, et il était encore capable d'en remontrer à bien des Chevaliers moins âgés. Il arborait un crâne parfaitement lisse, toujours impeccablement rasé, qui contrastait avec l'épaisse barbe gris fer qui couvrait son menton et ses joues.

_ Je l'ignore, avoua Thomas. Mais cela a forcément un lien avec Ascalon.

Un éclair d'intérêt illumina brusquement le regard fatigué du commandeur.

_ Es-tu en train de nous dire que cette femme est en possession de la Lance ?

Thomas secoua négativement la tête.

_ Nous avons fouillé ses affaires sans rien trouver, mais elle doit détenir des informations sur Ascalon, d'une manière ou d'une autre. Quelque chose de suffisamment important pour que Veneur prenne le risque de l'attaquer en plein centre-ville.

_ Nous avons ramené cette femme avec nous, mon père, comme vous l'avez ordonné, intervint Guillaume. Elle se repose à l'hôtellerie. Nous avons pensé que vous souhaiteriez l'interroger au sujet de la Lance.

_ Si ce que vous nous dites est vrai, Veneur pourrait vous avoir suivis jusqu'ici, reprit le frère maréchal. Nous devrions renforcer les défenses de la commanderie, peut-être même demander l'aide des autres maisons de la baillie.

_ Comme vous y allez, frère Donatien ! tempera le prieur. Même si ces démons savaient que nous abritons cette femme, je doute fort qu'ils osent lancer un assaut ici, sur l'île de la Cité !

Le frère Philippe, qui était en charge des affaires spirituelles de la commanderie, ne manquait jamais une occasion de s'opposer au maréchal. Depuis qu'il était devenu évident que le commandeur devrait bientôt abandonner sa charge, devenue trop pesante pour ses frêles épaules de vieillard, les deux hommes étaient entrés en rivalité quasi-ouverte pour sa sucession. Il se tourna vers Guillaume et Thomas.

_ Qu'en dîtes-vous ? Pensez-vous avoir été suivis ?

_ L'une de ses servantes a tenté de nous suivre, en effet. Mais nous avons réussi à nous en débarrasser.

Le Roi de l'HiverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant