Ambre referma la portière de la Renault aussi silencieusement qu'elle le pouvait. Elle arracha avec soulagement le tissu qui lui couvrait la bouche et le nez. Elle n'en avait plus besoin, il n'y avait presque pas de brouillard dans le parking souterrain. Un coup d'œil dans le rétroviseur lui apprit qu'elle avait l'air encore plus mal en point qu'elle le pensait. Tout le côté droit de son visage n'était plus qu'une énorme ecchymose, qui virait déjà au jaune-vert malsain par endroits. Son œil disparaissait presque au milieu des chairs violacées et enflées. Deux anneaux manquaient à son oreille, arrachés pendant la bagarre, la blessure à son cou saignait toujours abondamment, et tout le devant de son T-shirt était raidi de sang séché.
Puis elle vit la pupille de son œil gauche, devenue presque verticale, et la prunelle qui l'entourait, déformée et irrégulière comme si elle était en train de fondre. Non, non, non ! pensa-t-elle avec angoisse. Pas encore... Pas maintenant ! Elle était en train de perdre le contrôle. Son corps avait encaissé trop de dégâts, perdu trop de sang. Elle était épuisée et elle avait faim.
Tellement faim.
Ses doigts engourdis tâtonnèrent maladroitement sous le volant et il lui fallut plusieurs essais avant de réussir à mettre la clé dans le contact. Le bruit du moteur allait attirer la meute à coup sûr. Il était impossible que Veneur n'ait pas laissé de chiens pour surveiller le parking. La voiture était garée au second niveau inférieur, elle allait devoir faire vite et démarrer sur les chapeaux de roues si elle voulait atteindre la sortie avant d'être rattrapée. Elle n'avait plus l'énergie nécessaire pour affronter qui que ce soit, et encore moins la meute de Veneur. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était foncer dans le tas et prier pour ce soit suffisant.
Une main agrippa la sienne au moment où elle allait mettre le contact, la faisant sursauter jusqu'au plafond. Sur le siège passager à côté d'elle, Simon se redressa.
_ Bon sang, Simon ! Tu choisis bien ton moment pour te réveiller, j'ai failli avoir une attaque !
_ Tu as une mine affreuse... J'en déduis que tu as fait connaissance avec les chiens de Veneur...
_ Bravo, Sherlock. Je me suis pratiquement faite bouffer toute crue par ces saloperies...
_ Où est Sarah ? demanda-t-il tout à coup avec une pointe de panique dans la voix.
_ Elle est derrière. Toujours au pays des rêves, mais elle va bien.
Simon se retourna sur son siège. Sarah était allongée sur la banquette arrière, les yeux clos. Son teint était toujours aussi plombé et sa poitrine se soulevait à peine. Il posa la main sur sa joue. Elle était glacée.
_ Non, elle ne va pas bien ! Elle aurait dû revenir en même temps que moi ! Il faut que je retourne la chercher avant qu'il ne soit trop tard...
_ Désolée, mais ça va devoir attendre, on a des trucs plus urgents à faire, comme sortir d'ici avant que Veneur et ses toutous ne nous retrouvent. Je peux foncer vers la sortie mais on va les avoir aux trousses dès que j'aurais fait démarrer la bagnole...
_ Ce tas de boue ambulant ne sera jamais assez rapide pour les distancer !
_ Merci d'enfoncer les portes ouvertes. Et sinon, tu as des suggestions utiles ?
Simon palpa ses poches et en tira une petite boîte de bois sombre. Une feuille était gravée sur le couvercle - un très joli travail. Il en sortit une poignée de graines grosses comme des noisettes. Il les tenait avec précaution, comme si elles étaient aussi fragiles que du verre.
_ Ce sont mes dernières. J'aurais préféré les garder pour plus tard, mais je suppose qu'elles nous seront plus utiles maintenant. Je vais m'occuper de la meute. Toi, tu t'occupes de nous sortir de là le plus vite possible.
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Le Roi de l'Hiver
ParanormalC'est un soir d'octobre comme les autres pour Sarah, une jeune femme sans histoires qui est loin de se douter que sa vie va basculer dans l'étrange. En tentant de secourir un inconnu, elle se retrouve bien malgré elle dépositaire d'un fardeau qui s...