5. Adam

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J'avais entendu les premiers oiseaux, senti les rayons de soleil à travers les rideaux, je n'arrivais pas de toute façon à dormir bien tard. O'clock avait levé la tête depuis sa panière, lui aussi avait envie de sortir se dégourdir les pattes.

- Laisse-moi le temps de prendre une douche, de boire un café et on sort, OK ?

Comme si mon chien allait me répondre ! Pourtant il avait tourné la tête, s'était étiré les pattes, d'abord celles de devant puis celles de derrière et était allé attendre devant la porte.

Il me restait un bon tas de bois à fendre, de quoi faire retomber la pression de hier soir. Il faut dire que les quelques bières et les 5 heures de sommeil n'avaient pas eu raison de mon agacement. Oui, je l'avoue j'avais ruminé une partie de la nuit.

Surfer sur internet, lire le polar qui trainait sur la table de chevet n'avaient pas non plus été de grand secours. Il ne me restait plus que la fatigue physique pour que mon cerveau arrête de gamberger.

Ma douche prise, je mis un vieux jean dans lequel je me sentais à l'aise, un tee-shirt blanc et une chemise à carreau car le matin il y avait toujours un peu d'humidité, aux pieds, j'avais mes éternelles timberland camel.

Le fils caché de Roch Voisine version châtain clair

Ouais, je sais je suis un vrai stéréotype du bucheron canadien, manque plus que je me mette à chanter "seul sur le sable, les yeux dans l'eau ....." Non, faudrait pas faire venir la pluie, je rigole tout seul, bien-sûr o'clock lui ne rit pas. C'est le problème avec les chiens, on partage tant de chose avec eux qu'on a l'impression qu'ils tiennent une conversation silencieuse.

Le café coule lentement, il sent bon, encore un cadeau d'Edmond, une machine high-tech à la Georges Clooney, qu'est-ce qu'on avait rit le jour de mon anniversaire, depuis on avait gouté tous les parfums, les plus bizarroïdes. Edmond ne jurait que par le ristretto et moi bien sûr par tous les cafés parfumés.

- Tu es comme Gauthier, lui, il n'aime que les thés aromatisés à tous les parfums les plus saugrenus, pour ça vous vous entendriez bien, il soupirait en faisant la moue, vous n'êtes pas des puristes. Sa femme lui en ramène de tous les coins du monde. Il levait sa tasse , faisait tourner le breuvage à l'intérieur comme on le fait pour un bon vin puis déclarait sentencieusement : le café ce doit être court, sans sucre et bien noir, comme un thé, je suppose. Le thé, enfin la tisane plutôt, c'est rien qu'une boisson médicinale qu'on boit quand on est malade ! et il partait d'un grand éclat de rire.

A la tienne Edmond, je lève ma tasse, à force de soliloquer, je vais finir comme ces vieux garçons la tête dans le passé. Je m'ébroue, ce soir si je ne finis pas tard je peux aller rendre visite à Simon ça fait longtemps, enfin s'il ne fait plus la tête. Il faut dire que je suis parti de façon un peu cavalière la dernière fois mais tous ces sentiments dégoulinants très peu pour moi, il le sait et il insiste le bougre.

Je sais je ne suis pas un romantique, j'ai besoin de ma solitude, Simon lui, il parle, il aime sortir,  danser et il évolue sans entrave dans le milieu gay. Il est accepté, sa famille n'y voit pas d'inconvénients. Parfois tout ça m'étouffe et notre relation, enfin si l'on peut parler de relation, en pâtit, je ne peux pas m'engager plus, j'ai besoin de cette porte de sortie. Lui, il ne comprend pas, on tourne en rond et on termine  par s'engueuler, c'est triste. La plupart du temps, je pars en claquant la porte, je laisse passer quelques jours, on se textote, je reviens, on se réconcilie.

Je me dégoute quand je fais comme ça surtout que Simon est super, il mérite cent fois mieux que moi. Il est petit, mignon, blond avec des taches de rousseur, il est coiffeur à Beauvert, je suis sûr qu'il a du succès, il ne s'offusque jamais de mon air renfrogné. Bref le copain idéal, le gendre idéal aussi, toujours un mot gentil sauf que je n'éprouve pas de sentiments pour lui, il me plait c'est sûr, je suis bien quand je suis avec lui mais ça s'arrête là.

Au-delà des méandresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant