33. Simon

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-Alors mon petit Simon ces amours, dis-moi tout ! Mme Salazar se frotte les mains d'avance.

 Elle est installée comme tous les jeudis après-midi, dans mon salon de coiffure. C'est devenu un rituel au fil du temps. Elle apporte des douceurs (chocolats ou petits gâteaux), je fournis le thé et nous papotons comme deux vielles copines.

-Je vous retourne la question pour une fois ! aucun amoureux en vue à la maison de retraite ?

-Tu sais à mon âge ! elle minaude. Il faut dire qu'elle frôle les 79 ans depuis déjà un bon bout de temps.

De toutes mes clientes c'est ma préférée, ma "mamie rock'n'roll" comme je l'ai surnommé. Je l'avais trouvée géniale dés la première fois où elle avait franchi la porte du salon :

"Mon petit Chouchou, salut moi, c'est Brigitte, t'as de la place pour une petite coupe ? Elle s'était installée d'autorité sur le fauteuil devant le regard outré de mes clientes. Si tu pouvais finir avant 17h00, j'ai bingo à la maison de retraite et je ne voudrais pas faire attendre ses messieurs! elle m'avait lancé une œillade particulièrement discrète qui avait eu pour effet de me faire éclater de rire".

-Simon ? tu rêves ? elle claque ses doigts devant mes yeux comme un hypnotiseur le ferait pour faire revenir à lui son patient.

-Non je repensais simplement à notre rencontre, je n'avais jamais vu quelqu'un comme vous.

-Combien de fois vais-je devoir te rappeler de me tutoyer, à mon âge c'est un privilège d'être encore prise pour une demoiselle je te prie ! alors c'est Brigitte tu...et elle agite ses ongles vernis d'un rouge pailleté en prévision des fêtes.

-Il rend super bien ce vernis, je lui attrape la main pour l'admirer. J'adore l'ajout du strass ça fait tout la différence. Avec votre... euh... "ton" perfecto en cuir c'est top ! j'évite la petite claque sur la main qu'elle s'apprêtait à me mettre.

- Tu en es où de l'aménagement de ton coin esthétique,  ?

-A la case financement, mon banquier n'est pas chaud, j'ai encore le crédit pour le salon, je souffle en buvant mon thé. Et puis un homme...

-Bah foutaise tout ça, tu coiffes bien des femmes non ? alors pourquoi ne pas leur faire des manucures. Tu n'as qu'à commencer par là. Je te prête l'argent si tu veux. Sors ta tablette chouchou, on regarde les tarifs pour le matériel. Je t'accompagne à la banque si tu veux. J'en ai assez de devoir aller à Marcouin pour ça !

Je rigole et sors la tablette, nous passons l'heure suivante à étudier le coût de ce matériel.

-Tu vois on peut commencer avec 2000.00€. Elle finit de remplir son tableau.

-"On" je m'étouffe avec un macaron au café.

-Tu crois pas que je ne vais pas faire partie de cette aventure ! Penser à l'avenir quand on vieillit c'est un luxe et je n'ai ni enfant, ni petit-enfant pour ça, alors ton challenge c'est le mien aussi. Elle lève la main en signe de fin de discussion.

-Merci Brigitte mais on va faire les choses bien, je te rembourse tout, on signe un papier, je ne veux rien te devoir. Je l'embrasse sur la joue.

-Bon maintenant qu'on a réglé ça, on revient au plus important, tu ne m'as toujours rien dit sur tes amours ! Elle pose son menton sur ses doigts qu'elle croise. Je ne peux échapper à la suite.

-Le désert de Gobi, personne en vue, je soupire en hochant la tête.

-Un joli minois comme ça c'est impossible, et le blond ténébreux ? plus de nouvelles ? elle sourit.

Au-delà des méandresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant