41. Adam

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Premier mois sans Gauthier...

J'ai la tête dans le brouillard comme tous les matins. Les meilleures nuits j'oscille entre 4 et 5 heures de sommeil . Le réveil est de plus en plus difficile. Je ne mange plus avec mes collègues le soir, je préfère rester seul avec mon sandwich. Je ne supporte plus leurs sous-entendus comme quoi je suis amoureux et que je fais n'importe quoi.

Comme si j'étais amoureux !

Édouard me tape sur les nerfs, j'ai 3 mois à le supporter, il va falloir que je mette de l'eau dans mon vin. C'est un bon employé pourtant, il est vaillant. Il ne rechigne pas devant la lourdeur de certaines tâches à accomplir. Le problème c'est qu'il est étroit dans sa tête, c'est un homophobe.

Mon cerveau tourne en permanence depuis ce samedi soir de mi-décembre. C'est paradoxal, il ne me reste que très peu de souvenirs et pourtant j'aimerais les effacer de ma mémoire.

Je ressasse en permanence, mes humeurs sont changeantes. J'ai entamé la longue litanie des "si j'avais su...", "j'aurais du...".

Pourtant, je devrais être heureux, je n'aurai pas à annoncer au monde entier que je suis gay, moi qui angoisse en permanence de ce que les gens vont penser.

Je m'installe devant l'unique fenêtre de ma chambre. J'ai investit dans une bouilloire, je me fais chauffer un café lyophilisé insipide.

J'entends ricaner là-haut Edmond, je suis tombé bien bas pour en arriver à boire ça.

Je regarde ce ciel gris foncé annonciateur de neige, il fait un sale temps, froid, glaçant. Il me tarde déjà la douche brulante de ce soir. Merde j'ai pas encore mis un pied dehors.

Tu vieillis Belterne !

Je souffle, la coupe de bois s'annonce éreintante. Nous allons rester dans la région jusqu'à fin mars.

80 km me séparent de Gauthier, c'est rien et c'est beaucoup.

-Adam on y va, t'es prêt ? Édouard toque à la porte.

-Je descends ! je réponds machinalement sans envie.

Pour la première fois de ma vie, mon job me pèse.

Il faut avoir l'esprit libre pour bien grimper, ce n'est plus mon cas depuis mi-décembre et ça me désole.

J'ai l'impression de traverser en permanence un tunnel et ne jamais voir la lumière salvatrice au bout.

....

Il est 17:00, on arrête le chantier, c'est trop dangereux de grimper vu le manque de visibilité, le brouillard se densifie.

Ma poitrine m'oppresse, je porte la main sur mon torse en m'appuyant sur le premier tronc.

-Ça va ? Édouard s'approche de moi inquiet.

-J'ai un point dans la poitrine depuis ce matin et là ça m'empêche de respirer, mes doigts se crispent sur le tronc.

-J'appelle les pompiers, Édouard se saisit de son portable.

-Non, c'est moi le pompier ok ! pas besoin. Je souffle mais je sens la sueur couler dans mon cou.

-Si tu veux mais je t'emmène à l'hôpital, hors de question que tu fasses comme ton père. Ça m'a suffit d'une fois. Ne bouge pas je vais chercher le camion.

-Mmmm, je murmure.

J'ai repris la place de mon père quand il a eu sa crise cardiaque. Édouard était là ce jour-là c'est lui qui a appelé les secours mais il n'y avait rien à faire, personne ne l'avait vu arriver même pas lui. Ça fait plus de 10 ans. Depuis, il est très à cheval sur toutes les procédures et les règles de sécurité.

Au-delà des méandresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant