Au-delà des méandres

48. Adam

Le petit vélo rouge brille au soleil.

-Tu tiens bien le guidon, je suis là, ne t'inquiètes pas, appuie bien sur les pédales, regarde droit devant.

Je suis fier de pourvoir l'essayer avec mon père.

-Vas y fiston, je t'aide à prendre de la vitesse.

Je m'élance du plus fort que le permettent mes jambes de quatre ans. Mon père court à côté de moi, il est jeune, souriant.

-Ça y est papa, j'y arrive, je sais faire du vélo.

Je ne sens plus mon père à mes côtés, je me déconcentre et ne vois pas le caillou devant ma roue, le vélo s'arrête d'un coup sans que j'ai actionné les freins. Je passe par dessus le guidon, je me retrouve au sol, la jambe et la tête en sang. J'ai mal, ma vue se brouille, j'ai envie de pleurer.

-Papa, où es-tu ? je regarde autour de moi mais je ne l'aperçois pas, le brouillard a remplacé le soleil, j'ai soudain froid, je tousse, je ne peux plus respirer.

....

Une voix au loin...

-Adam ? Vous m'entendez ? On le perd, il a besoin d'oxygène, préviens le bloc, il est en urgence vitale. La tête est touchée, la jambe et surement des côtes. On le stabilise,  c'est bon : démarre.

Combien de temps pour le trajet en hélico ?...Plus vite on arrivera mieux ce sera !

....

Je n'ai plus mal, je vole au dessus de chez Edmond, je le vois dans sa cour, il est avec son chien "Jean Valjean", un épagneul breton qui furette autour de lui.

-Edmond, ohé, je suis là-haut, tu me vois ? je rigole, qu'est-ce-que c'est bien de voler comme un oiseau.

Il me sourit et me lève la main, le chien aboie, quel drôle de nom tout de même !

-Fais attention aux arbres ! On croit parfois trop bien les connaitre mais je suis là, ne t'inquiète pas !

Je rigole insouciant, quand soudain une rafale de vent me propulse vers le sol, je ne peux relever la tête, mes membres semblent peser des tonnes.

....

Une voix au loin...

-Il s'enfonce, Adam ? M.Belterne ? serrez ma main, vous pouvez m'entendre ?

-Le bloc est libre, on le prépare pour l'anesthésie, c'est bon Marc, je prends le relais.

-Nina, s'il-te-plait, va prévenir Barbara, elle est de garde aux urgences, je ne veux pas qu'elle l'apprenne comme ça...

....

Je suis tout seul, j'appelle papa et Edmond mais personne ne répond.

J'ai froid, j'ai chaud, j'erre dans la forêt mais je ne vois  personne et je n'entends rien, pas même un oiseau chanter.

Je resserre le pull contre moi, il est glacé. Je suis épuisé, je pose mes genoux à terre, j'ai envie de dormir.

Oui, c'est ça je vais dormir, je suis tellement fatigué.

Je pose ma joue contre le sol caillouteux, je me retourne et fixe le ciel et les nuages . Soudain je vois au loin un oiseau, il vole vers moi. Je le distingue, c'est un moineau. Il vient se poser sur ma main, elle se met à chauffer, je sens une douce caresse, comme un baiser léger sur mon front.