Chapitre 53 : «Tu vas adopter un enfant ?»

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Le rendez-vous avec le professeur Sullivan Martin ne s'était pas passé comme je l'avais espéré. Certes, il m'avait donné des informations précieuses que je notais dans un coin de ma tête, mais il y avait autre chose et il avait catégoriquement refusé de me le révéler. Au lieu de cela, il m'avait mise en garde et m'avait aussi conseillé d'arrêter tout autre recherche sur les Rantadiens car le gouvernement pouvait m'avoir à l'oeil. Il ne l'avait pas dit distinctement mais j'avais très bien compris de quoi il en retournait.

Pour ma part, cela m'étonnait fortement que ce soit le cas. Le moindre de mes actes étaient demeurés discrets ces derniers jours et à aucun moment je ne m'étais sentie épiée ou même particulièrement traquée. Sans tenir compte des remarques du professeur, je m'autorisais une vraie pause dans mes recherches. Après tout c'était Noël.

J'avais réussi à me réconcilier avec Matthieu. Pour la peine, j'avais revu sa mère et rencontré son beau-père dans un restaurant, comme une première rencontre conventionnelle avec la famille de son petit-ami. Il m'avait expliqué les choses calmement et je me sentais vraiment bête d'avoir pensé l'espace d'un instant qu'il avait eu honte de moi et qu'il me cachait volontairement à sa famille.

La vérité étant que Marina Hale était une vraie romantique comme on en fait plus. Depuis l'histoire Jenny, dès que Matthieu rencontrait quelqu'un, elle ne pouvait s'empêcher de considérer la femme en question comme une future belle-fille. Notre histoire encore récente, il ne voulait pas qu'une éventuelle rencontre avec sa famille ne paraisse trop formelle ou que sa mère dérape sur le sujet : mariage. Il avait voulu me préserver.

Je m'étais excusée de mon attitude stupide et tout était rentré dans l'ordre. Tout était tellement bien rentré dans l'ordre qu'il m'avait proposé de m'accompagner à la soirée du Nouvel An au Siège. J'avais bien entendu accepté, mais les paroles de William ne cessaient de hanter mon esprit. Je ne pouvais pas continuer à lui faire des cachotteries jusqu'à la fin de mes jours et ça j'en était bien consciente. Mais le moment pour tout lui révéler n'était pas encore arrivé. 

Enfin, le jour de Noël pointa le bout de son nez et avec lui les cadeaux au pied du sapin holographique. Tout le monde dans l'appartement était réveillé et ouvrait ses présents. La docteure Rey ou plutôt Angélique Rey avait ouvert celui que je lui avais offert, découvrant dans le paquet un magnifique foulard vert satin.

— Oh ! s'exclama-t-elle réjouie. Merci ma grande. Ça me fait extrêmement plaisir.

— Avec plaisir. Il est pour moi celui-là ? demandais-je en prenant un paquet argenté et doré.

— Oui, il est pour toi, affirma-t-elle.

Je l'ouvris et Jupiter s'empressa de jouer avec le ruban du cadeau, une fois que celui-ci tomba sur le tapis blanc de la pièce à vivre. En ouvrant la boîte, je retrouvais une paire de boucle d'oreille assortie à un collier en argent.

— Merci beaucoup, Angélique.

— Tu es contente ?

— Oui, beaucoup. Je suis trop gâtée avec en plus le cadeau de Grâce et celui que Matthieu veut me donner ce soir.

— Et ce n'est pas finit, annonça ma tutrice les bras derrière le dos.

— Pourquoi tu dis ça ? demandais-je surprise. J'ai ouvert tous mes cadeaux.

— Il en reste un, déclara-t-elle en me tendant ce qu'elle cachait.

Il s'agissait de sa tablette. Jamais elle ne s'en séparerait ou en tout cas si elle le faisait je serai la plus étonnée. Cet objet était quasiment la réplique exact de son portable mais en plus grand. Elle avait toute sa vie dessus. Il me fallut quelques minutes avant de réaliser que ce n'est pas la tablette en elle-même qu'elle voulait que je regarde mais plutôt le message qu'elle affichait. Je la pris dans mes mains et lut le titre du texte qui était dessus, sous les yeux ravies de la mère et la fille.

— C'est une demande d'adoption, fis-je remarquer.

— Oui, confirma ma tutrice toute sourire.

— Tu vas adopter un enfant ? demandais-je surprise.

Elle m'avait jamais parlé de son désir d'être mère et à vrai dire, bien que je ne déteste pas les enfants, avoir un individu d'un âge nettement inférieur déambulant partout dans l'appartement ne me faisais pas sauter de joie non plus.

— Non, pas vraiment. J'ai envie de t'adopter toi, révéla-t-elle.

— Moi ?

— Oui, toi, qui d'autre ? Ça fait plusieurs mois que j'y ai pensé et... Petit à petit ça s'est concrétisé. Tu es quasiment comme ma fille mais je voulais que ce soit officiel. Tu es majeur donc c'est à toi de décider si oui ou non, tu veux que je t'adopte.

— On serait vraiment comme une famille, réalisais-je.

— Oui, répéta-t-elle. Je comprendrai, Gaïa si tu refuses. Mais sache que l'adoption peut être annulé si on venait à retrouver ta famille ou...

Submergée par la joie, je pris Grâce dans mes bras et me surpris même à laisser quelques larmes dévaler librement le long de mes deux joues.

— C'est le plus beau cadeau de Noël d'avoir une famille, donnais-je pour toute réponse.

Je la lâchais enfin et elle souriait aussi. Elle me prit le visage entre ses mains affectueusement.

— Je pourrais t'appeler maman ? réalisais-je en essuyant mon visage.

— Évidemment, répondit-elle en riant.

— Et je pourrais t'appeler grand-mère ? demandais-je à l'intention d'Angélique qui elle aussi attendrie par la scène s'essuyait discrètement  le visage avec un mouchoir.

— Oui, répondit-elle dans un sanglot.

Je la serrais également dans mes bras. Je commençais à comprendre cette décision qui était à l'origine de la paix entre la mère et la fille. Et j'en fus que plus heureuse de savoir que j'y étais un peu pour quelque chose. J'allais avoir une famille. Une vraie famille. Avec mon amnésie, évidemment, j'avais complètement oublié la mienne. Savoir que j'allais en avoir une dont je me souvenais, qui m'aimait sincèrement et que j'aimais en retour ne faisais qu'accroître mon bonheur et remplir un vide qu'avait laissé l'ancienne.

Je n'avais pas besoin d'un dossier pour considérer Grâce comme ma mère. Je le faisais déjà depuis des mois. Je pense que les larmes venaient surtout du fait que c'est elle qui y ait pensé. Enlacées toutes les trois en riant, aucune d'entre nous n'eut le courage de partir de l'étreinte. Je savourais ce moment d'allégresse et en profitais un maximum pour graver de magnifiques souvenirs dans mon esprits.

Ankor livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant