Chapitre 59 : «Ce n'était pas une erreur.»

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Meurtrie, humiliée et trahie, Élise procédait à la simulation de vol sans dire un mot. C'est vrai que jamais elle n'irait dans l'espace, mais elle aimait l'illusion de piloter un vaisseau spatial. Les étoiles et le ciel galactique affichés devant ses yeux. Cette sérénité omniprésente et le silence, seulement le silence. Elle se sentait loin. Loin de la Terre. Loin de la Terre et de ses problèmes. Loin de cette planète où chaque jour elle découvrait une autre facette de ce monde. Elle savait pertinemment qu'il n'était pas parfait mais elle imaginait auparavant avec une naïveté presque enfantine que ses proches et en particulier son père : Jacob Jefferson, se rapprochait un peu plus de cette perfection.

Comme par hasard, toujours quand la situation avait l'air de s'arranger, Demanla n'avait fait qu'appuyer davantage sur la blessure en la persuadant que Jefferson était un monstre. Son petit frère avait vécu à quelques lieu d'elle et elle ne l'avait jamais su ! Comment aurait-elle pu le chercher et le trouver ? Il avait changé de nom de famille entre temps. Elle haïssait Roland Demanla. Elle haïssait Jacob Jefferson. Elle détestait tout le monde, tout simplement. Pourquoi ils lui avaient fait ça ? Pourquoi ? Jacob n'était pas obligé de l'adopter après tout. Peut-être que comme son ami Tom, elle aurait été adopté par une simple famille d'ingénieur. Et même si elle n'avait jamais été adoptée, elle aurait très bien pu vivre de la sorte. L'Internat n'était pas une prison comme certains le prétendaient. À sa majorité, elle aurait eu droit à un foyer dans un des nombreux logements pour les Nomvikelis d'Espérance. Elle aurait très bien vécu ainsi. Mais non ! Elle était Élise-Lucie Mabiala Jefferson et elle avait été adoptée par l'homme le plus puissant d'Espérance qui n'avait fait que lui mentir pendant onze ans en la regardant droit dans les yeux. À l'aide des manettes sur le tableau de bord, elle évita un astéroïde efficacement sans pour autant quitter son air renfrogné.

Les jours étaient passés depuis cette révélation éprouvante. Des jours pendant lesquels elle n'avait pas chômé. Elle avait réussit à obtenir une aide financière pour le foyer où vivait Ben et monsieur Robert. Dans la foulée, elle avait trouvé un moyen pour que son petit frère réalise son rêve. Dès la semaine prochaine, celui-ci serait accueillit dans la classe de Technologie d'Espérance, là où il pourrait apprendre son futur métier au sein de la cité. Il avait réussit haut la main le test d'entrée. De toutes les manières, à aucun moment elle n'avait douté de lui. Peut-être que c'était là, le rôle d'une grande sœur vis-à-vis de son petit frère. Ces deux mots employés dans la même phrase étaient si irréels quand elle y pensait. Elle qui croyait dur comme fer qu'elle était orpheline. Elle avait eu tout faux. Elle n'avait jamais été seule. Cette pensée lui donnait encore plus envie de tout casser sur son passage.

— Élise, l'interpella une voix depuis l'extérieur du cockpit d'entraînement.

— Quoi ! jeta-t-elle avec humeur.

— C'est l'heure. Il faut rentrer, petite.

Elle reconnue la voix de Maxime, son supérieur dans sa section de Nomvikeli. Il arrivait à celui-ci de donner des cours de sport aux jeunes de l'Académie, ce qui lui incombait de finir tard. Quand il savait que sa recrue préférée était dans la salle de Simulation de vol, il passait la voir de temps à autre. Il faisait partit de ceux qui avaient remarqué l'humeur massacrante croissante de la jeune femme. Et certaines crises de colère imminentes montraient qu'elle n'était pas totalement elle-même.

— OK.

De mauvaise grâce, elle arrêta la simulation et sortit de l'immense cabine en lâchant un soupir d'exaspération disgracieux. Au passage elle gratifia son supérieur d'un mince sourire agacé. Le Nomvikeli face à ce spectacle digne d'une crise d'adolescence ne put s'empêcher de sourire sincèrement à son tour. Il s'apprêta à quitter la pièce quand sa protégée le héla :

Ankor livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant