Chapitre 54 : «Élise-Lucie» partie 1

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Elle attendait dans la ruelle. La rue était déserte. Le soleil d'après-midi tapait déjà sur Espérance, laissant un énorme rai de lumière au centre du chemin. Les coins d'ombre étaient rares à cette heure. Elle attendait encore et encore. De plus, elle ne savait même pas ce qu'elle devait attendre. Le temps avait passé depuis la dernière fois qu'elle avait parlé à Mira et elle se félicitait de pouvoir clamer haut et fort que sa vie commençait à reprendre des couleurs, même si persistaient quelques zones d'ombres.

Depuis la discussion avec Jacob, Élise s'était autorisée à enfin appeler le politicien « papa » ou à la limite « père». Une grande première ! Si au départ, chacun avait été surpris d'entendre ce mot dans l'appartement, tout comme comme les domestiques de la maison, tout le monde avait fini par s'y faire et c'était devenu commun. Elle ne savait pas pourquoi, mais malgré une partie d'elle qui haïssait Jacob au plus profond de son être, une autre partie se battait toujours bec et ongles pour sauvegarder cet amour à l'égard de son père. Il était le seul père qu'elle ait jamais connu et même s'il avait massacré des innocents, parmi eux sa famille, elle ne voulait pas exclure qu'il le regrettait jusqu'à aujourd'hui. D'ailleurs, n'était-ce pas pour ça qu'il avait falsifié son dossier ?

Mais même si elle aimait son père, la jeune femme de dix-huit ans ne voulait pas pour autant adhérer aveuglément au parti Conservateur mais toujours au parti Humaniste. Si ses amis avaient peut-être étaient blessants dans leur révélation à propos du fait que le parti Conservateur n'était dirigé que par des hommes soucieux de toujours avoir un pouvoir non négligeable sur autrui, elle n'avait pas tardé à se rendre compte que c'était la triste vérité.

Au départ, elle devait se l'avouer, elle avait rejoins les Humanistes pour montrer qu'elle pouvait aller contre son père adoptif dans le plus grand des secrets, mais à présent qu'elle avait grandi dans le mouvement, elle comprenait leur lutte.

La plupart des villages sauvés qui n'acceptaient pas la gouvernance d'Espérance sur leur petite communauté, étaient laissés pour compte, à l'abandon. Le village devait se reconstruire seul. Rester sans vaccin, nourritures ou aide, et être obligé de repartir de zéro. Espérance n'avait jamais vraiment aidé par bonté d'âme mais pour obtenir un tribu en retour. Naïvement, elle avait cru à la beauté de la bonté humaine dans ce monde de cauchemar, mais il n'en était rien. Tout cela n'était que de la poudre aux yeux.

Elle avait aussi apprit les tristes conditions dans lesquelles vivaient les habitants de la Basse-Ville. La plupart étaient soit invalides, malades, faibles et revenaient de l'enfer. Pour eux, se soulever contre le gouvernement était un suicide et le mot était faible. Ils étaient les plus vulnérables aux peines de prison ou de mort.

Les Nomvikelis avaient le mérite de défendre la ville et ce qui restait de l'humanité. Les politiciens du Conseil, d'être le gouvernail pour les guider. Les chercheurs, d'améliorer la vie. Et les spiritualistes avaient le rôle de toujours rappeler les valeurs et la morale humaine à ceux qui pouvaient l'oublier. Eux n'étaient que des fourmis travaillant à la chaîne dans des usines, maison ou champ, pour nourrir la ville ou servir les autres. Ils étaient nombreux en nombre, mais ils étaient semblables à des insectes. On pouvait les écraser à tout moment pour les remplacer.

Élise était fière de se battre pour ces gens. Donc, elle continuait toujours ses petites virées nocturnes à transporter la nourriture illégalement dans la Basse-Ville à ceux qui avaient besoin de plus que la ration quotidienne autorisée qu'on leur servait le lundi pour le reste de la semaine.

Elle passait certaines de ses économies en douce dans les bas quartiers. Elle volait avec ses amis, des médicaments ou autres. Il y avait longtemps qu'elle avait arrêté le trafic d'arme. Non qu'elle avait eu peur de se faire prendre, mais même si elle était Humaniste, il y avait bien une chose qui ne changeait pas. Son aversion pour Roland Demanla.

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