Chapitre 65 : «Vous n'êtes pas de taille.»

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« Éli... ! Reste ! »

«... Fière de toi … »

« Élise ! Élise ! »

En proie à un énième cauchemars, je me redressais subitement sur mon lit en sueur. Machinalement, j'allumais ma lampe de chevet sur ma droite et commençais à masser énergiquement mes paupières afin de me réveiller pour de bon. Dans un réflexe, je consultais l'heure affichée sur mon réveil, lui aussi posé sur la table de chevet. Sa lumière bleutée montrait un simple 8h11. Pour une fois que je dormais bien.

Je tentais de retrouver mon calme et pour cela je procédais au même exercice depuis une semaine : inspirer et expirer pendant une bonne minute avant de détailler l'endroit dans lequel j'étais : ma chambre, dans l'appartement que je partageais avec ma mère adoptive. Voilà une semaine que j'avais enfin pu revenir chez moi. Mon procès et toutes les charges qui avaient été retenues à mon égard, avaient été abandonnés. Pas étonnant. La victime était inconnu, le mobile l'était aussi et quant à la principale coupable : moi, j'étais incapable de me souvenir de ce crime. Enfin... presque incapable.

Après cette macabre découverte, les cauchemars et autres flashs, avaient refait surface en quelques jours. Toutes les nuits c'était le même mauvais rêve : mes mains baignées de sang. Moi me tenant prostrée au-dessus d'un corps inerte dont le visage était dissimulé dans l'ombre. Une arme qui avait sûrement servie à commettre ce crime gisait plus loin. Et moi au milieu de cette scène tragique, je n'arrêtais pas de répéter en larme : désolée. Bien que le visage de ma victime n'apparaissait pas juste devant mes yeux, je ne cessais de me dire qu'il ne pouvait s'agir que d'une personne. Cela expliquait pourquoi il était le seul être de mon ancienne vie dont je me rappelais réellement. On oublie pas le visage de celui que l'on a tué, ni son nom : Skylar O'Connor.

Ce nom allait me hanter pendant des années si ce n'est toute ma vie. Mais je ne comprenais pas. En vue des derniers flashs dont celui qui était apparu lorsque j'étais chez Matthieu, lui et moi avions l'air tellement... proche. Comment ai-je fait pour le battre à mort, prendre une arme, la pointer sur lui et appuyer sur la détente ? Légitime défense, accident ou crime passionnel ? Le fait de ne pas le savoir m'angoissais et m'énervais à un point à peine croyable. 

À mon retour sur Ankor, mes amis avaient tenté de me remonter le moral. Je leur avait fait croire à tort qu'ils y parvenaient... La vérité était tout autre. Depuis mon séjour dans cette prison, j'avais changé. Je tentais de donner le change en souriant, lançant des blagues et autres, mais je ne pouvais pas me mentir à moi-même. En voulant oublier qui j'étais, j'étais en train de me consumer à petit feu. Peut-être que je devrais vite retrouver mon identité. Du moins, savoir si j'étais un monstre ou une bonne personne qui avait fait un choix malheureux. Est-ce qu'on m'en laisserait le temps ?

Je quittais mon lit, levais le store de ma chambre et ouvrais la fenêtre, laissant un vent matinal pénétrer à l'intérieur des lieux. Je contemplais ce que la baie me laissait voir de la cité d'Andromède et mes réflexions revinrent aux galops. J'avais eu de la chance, d'une certaine façon, d'avoir juste fait un séjour express en prison. S'il y avait eu plus de preuve, nul doute que j'y serais encore. Ma petite visite là-bas arrangeait bien quelqu'un.

Comme par hasard, j'allais en prison galactique juste après mon retour de Ginenzhu. Bien vite je commençais à faire le lien avec les Rantadiens. Mon avocat m'avait révélé lorsqu'il m'avait raccompagné chez moi que l'enquête sur mon vaisseau avait été mis en pause mais qu'un membre du gouvernement avait fortement insisté pour chercher plus à fond. Je n'avais pas tardé à chercher qui était ce membre. Étant donné que l'on m'avait confié son nom, il m'avait juste fallu trouver sur le spaceternet un cliché de celui-ci en présence du commandant Wild pour comprendre comment cette brillante idée lui avait traversé l'esprit. D'un côté, cela me rassurait. Si on avait voulu m'envoyer derrière les barreaux promptement, c'était que je devais être très proche du but.

Ankor livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant