REALITY - Tome 1 ; (TERMINÉ)

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       Je tourne la tête vers lui, il me sourit chaleureusement et je me sens presque mal de ne pas pouvoir lui rendre, paralysée par ce que je vois. Je sens sa main dans mon dos et je sursaute, je n'aime pas qu'on me touche, mais il ne la retire pas et me pousse vers l'extérieur.

      — Descends et va te servir un plateau. Tu as le droit de prendre tout ce que tu veux, mais évite de trop gaspiller ou de trop manger pour vomir après. Tu t'assoies où tu veux, avec qui tu veux. En général les jeunes préfèrent rester par Unités mais ce n'est pas le cas de tous. Il y a des Nouveaux Éveillés, comme toi.

      Sans que j'ai le temps de lui demander de quoi il parle avec ces « Unités » et ces « Éveillés », il me pousse complètement dehors et referme la porte. J'essaie de regarder vers la vitre mais évidemment je ne vois rien. Je regarde la pièce jusqu'en haut, le plafond n'est pas un dôme ce qui indique que l'on n'est pas au dernier étage, il n'y a aucune fenêtre. Tout est éclairé par lumières artificielles. Mes yeux redescendent sur les étages et se posent sur les personnes attablées. Je ne suis déjà pas à l'aise dans les grosses foules, encore moins avec des jeunes de mon âge. Étant donné qu'ils ne doivent pas être plus de trois-cents, je vais automatiquement être vue, surtout si je reste perchée comme une idiote ici. Je descends les escaliers et me glisse derrière un groupe qui se rend au comptoir pour ne pas me faire voir. Je prends un plateau, des couverts et un verre. Je prends un bout de pain et une assiette de poulet frit avec des pommes de terre rissolées. La dame chargée de servir ne me porte aucun intérêt et ça me fait un peu moins paniquer de me dire que je n'attire pas l'attention. Je ne prends pas de dessert, ni de fruit même si j'ai très faim. Ce n'est jamais bon de trop manger quand on a eu une période de jeûne. Le plateau du garçon devant moi, rempli de deux assiettes d'entrées et de plats avec un yaourt et une part de gâteau, me donnerait presque la nausée. Mon plateau dans les mains je cherche des yeux une table de libre, priant pour ne pas trébucher et le renverser. J'ai toujours l'habitude de m'imaginer des scénarios où je me ridiculise et où je me fais remarquer comme si j'étais au centre du monde alors qu'il n'y a aucune raison pour que ça arrive. C'est tout moi, toujours dramatiser et imaginer le pire.

      Je déambule dans les rangs, les yeux rivés sur mon plateau quand j'entends un chuchotement,

      — C'est elle.

      C'est moi. Je risque un regard à gauche et à droite et je remarque que même si la plupart sont en train de manger et ne font pas attention à moi, d'autres ont les yeux rivés sur ma personne. Je me sens rougir et une boule se forme dans ma gorge. Qu'est-ce que j'ai ? Oui je ne suis pas propre, mais quand même. J'ai essayé de me laver. Eux doivent avoir des douches, moi un lavabo depuis cet après-midi. Est-ce qu'on leur a montré une photo de moi avec mon Matricule en guise de présentation sur un écran géant ? Rien de tout ça, la réponse me vient à travers un autre murmure,

      — Elle a tout refusé pendant des jours !

      C'est ça. Je suis la fille qui a refusé de se nourrir et de passer les examens. Je ne sais pas comment ils ont entendu parler de moi, sans doute du bouche-à-oreille, car il est clair que le Docteur Farmer ou le Dirigeant ne se seraient pas vanter d'avoir affaire à un résistant. Je fais mine de ne pas entendre et avec mes joues rouges, mon coeur qui bat trop vite et mes angoisses, je pars m'asseoir en bout d'une table où ne sont assises que sept personnes. Je pose mon plateau et en regarde le contenu. Les gens ont tous l'air de manger sans réfléchir donc ça ne doit pas être empoisonné. Ou alors on ne le sent pas.