Noa pensait vivre sa vie de manière la plus classique jusqu'à ce fameux soir où elle s'endort et se réveille entourée de personnes en blouses blanches, dans un cerceuil. Prise de panique, les mots ne parvenant pas à franchir ses lèvres, elle voit un...
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Le premier regard que je croise m'est familier et je ne sais pas comment réagir. Est-ce que je dois me sentir bien à l'idée de connaître une personne ou paniquée quand je vois qu'il s'agit de L'Arbalète et son amabilité débordante.
— Tiens donc. Auraient-ils fait une erreur pour la première fois ?
— Tu la connais ? C'est la fille du Jardin ?
L'Arbalète tourne la tête vers une fille assise de manière relâchée sur une chaise et les mains croisées sur la table. Je la dévisage rapidement ; elle a un carré brun, un visage plutôt rond et des traits fins. Elle nous regarde un peu de travers mais je pense qu'elle est seulement méfiante.
Sa réflexion m'indique que L'Arbalète a dû parler de moi et sans doute aussi de Maxance et d'Ulrich à ses coéquipiers.
— On connaît les deux.
Cette voix aussi m'est familière et je ne suis pas surprise de voir Ash quand je tourne la tête vers le mur qui est à côté de la porte. Je dois admettre que je me détends un peu plus de le voir ici lui aussi. Je comprends rapidement d'où ils se connaissent et pourquoi ils ont l'air aussi proches.
— Pourquoi ils sont deux ?
La voix vient d'un coin sombre de la pièce et un garçon à peine plus grand que moi avance vers la table et pose ses mains, bras tendus dessus. Il a les cheveux bruns qui lui arrivent à la nuque et sont coiffés vers l'arrière, un visage dur et plutôt marqué pour son âge. Il lève les yeux vers moi et me fait un signe de tête accompagné d'une grimace comme pour me demander ce que j'ai à le dévisager comme ça.
Je baisse instinctivement les yeux. On peut dire que si L'Arbalète est quelqu'un de froid à première vue qui peut se détendre par la suite, ce garçon-là a l'air aussi aimable qu'une porte de prison et pas bavard pour un sou.
— C'est la deuxième fois qu'ils envoient deux Nouveaux d'une même semaine dans la même Unité. Surtout une Unité d'Élite.
— La première fois c'est quand ils en mettent une nouvelle en place, elle commence à deux membres.
Ash nous fait signe de nous approcher à la lumière. Je me sens rougir de savoir que je suis dévisagée.
— Pas besoin de me présenter, ni Ash. (Il montre la fille d'un geste de la main) Matricule XX852-72, Evie.
Elle nous regarde, Maxance et moi, tour à tour avant de sourire rapidement. C'est déjà plus engageant qu'il y a quelques minutes.
— Et lui c'est Douze.
On se tourne vers le garçon qui n'est toujours pas la définition de l'amabilité et qui, contrairement à Evie, ne fait pas l'effort de sourire - sans doute parce qu'il ne sait pas - et donne toujours l'impression qu'il va nous sauter à la gorge.
— Douze ?
Je doute que ce soit son vrai prénom et je me demande pourquoi L'Arbalète n'a pas donné son Matricule.
— Il est entré dans l'Unité quand il avait douze ans. C'était le plus jeune du Bâtiment.
— Il n'a pas de Matricule ?
— On ne parle pas de mon Matricule.
Sa voix est cassante et désagréable. Je ne lui donne pas plus de seize ans et selon mon calcul, ça ferait donc quatre ans qu'il est dans l'Unité et sans doute plus longtemps qu'elle existe. Je comprends mieux les liens qui ont l'air d'émaner d'eux et leur attitude à notre égard me paraît tout de suite plus normale.
— Noa et Maxance.
— C'est quoi vos Matricules ?
— XX96-15.
Evie regarde ensuite Maxance.
— XY95-15.
— Wow.
Ils nous dévisagent tous avant de se regarder sans rien dire. C'est impressionnant la façon dont tout a l'air de passer par le regard entre eux.
— Vous êtes frères et soeurs ?
— Non.
— Vous êtes de la même période de Simulation. Vous avez été réveillés la même semaine et vous êtes dans la même Unité. C'est pas normal.
Evie secoue la tête pour montrer son incompréhension.
— Comment vous êtes mort ?
— Pardon ?
— Douze.
Il défie légèrement L'Arbalète du regard et ça me surprend de voir quelqu'un tenir tête d'une manière aussi insolente.
Ash se tourne vers nous,
— Ce qui déclenche votre Réveil, c'est votre mort dans la Simulation. Je pense que vous l'aviez compris. Comment était la votre.
Encore une fois c'est Maxance qui prend la parole en premier.
— Je me suis fait renversé par une voiture.
— Je...
Je les regarde un à un et je me sens vraiment mal à l'aise de ne pas savoir quoi répondre. Je ne suis pas morte. Je me suis seulement endormie. Je n'ai pas d'explications et je ne sais pas comment on reconnaît ou non la mort.
— Je ne suis pas morte. Je me suis seulement endormie devant une série. Je crois...
D'un coup je ne suis plus sûre de rien et je me pince discrètement juste pour m'assurer que je suis bien éveillée.
— C'est elle ?
Sa question sonne plus comme une affirmation et je sais ce qu'il veut dire.
— Oui. C'est moi.
— De quoi tu parles ?
— La fille qui n'a pas voulu s'alimenter et passer leurs examens médicaux.
Le sourire d'Evie me surprend. Je m'attendais à toutes les réactions mais pas à celle-ci.
— T'as trouvé des choses étranges ici ?
Je suis presque ravie de l'entendre poser cette question. J'ai l'impression de ne plus être seule dans ma paranoïa et qu'il y a peut-être bel et bien des informations que l'on nous cachent ici. L'Arbalète la regarde et lui murmure un « Arrête. Pas ici. » que je parviens difficilement à entendre.
— Bon. Et bien, bienvenue dans l'Unité d'Élite 9...
