— Comment c'est

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      — Comment c'est...

      Je fais un pas en avant et l'air frais me frappe de plein fouet. J'inspire un grand coup, emplis mes poumons d'air naturel. Rien à voir avec l'odeur de l'Entrepôt ni celle presque hospitalière du Bâtiment. La seule chose qui me rend confuse c'est de savoir comment on peut être à l'extérieur alors que la salle se trouve au sous-sol. Mais je n'y prête pas attention et je regarde la verdure de la pelouse, les quelques fleurs présentes, la terre, les cailloux, les arbres. Des arbres immenses. Et le ciel. Indubitable que c'est l'extérieur, le vrai. On ne peut pas créer un ciel comme celui-là ou des odeurs aussi enivrantes, même avec les moyens qu'ils ont l'air de posséder.

      — C'est le Jardin. Au fond il y a plusieurs parcours installés pour développer ton endurance, ton agilité, ton intuition. Si tu as l'opportunité d'aller à l'Extérieur, en ville, tu auras besoin de développer chacun de tes sens à la perfection. Tu n'auras pas meilleure arme que toi-même ; ton corps et ton cerveau.

      Je ne réponds rien. Parce qu'il n'y a rien à répondre. Je ne comprends toujours pas pourquoi moi, pourquoi je suis ici. Surtout me connaissant. Il va être difficile d'être ma propre arme sachant que la maladresse coule dans mes veines avec ses copines « non-confiance en soi » et « peur de tout ». Je n'ai jamais été douée pour m'imposer face à des gens, j'ai toujours été en retrait à suivre le mouvement même en n'étant pas d'accord. Ils doivent le savoir, ils m'ont limite créée après tout.

      — Tu m'écoutes ?

      — (Je me tourne vers Mike) Oui. Oui, pardon.

      — Je disais que là-bas c'est où s'entraînent les tireurs.

      — Les tireurs ?

      — Il y a ceux à l'intérieur (il fait un signe vers le Bâtiment), qui s'entraînent loin des autres, c'est principalement quand tu débutes. Ici ils s'entraînent tous ensemble quand on les juge aptes. Armes à feu, couteaux, arcs, ce que tu veux. Ça permet à ceux qui sont à côté de s'habituer aux détonations et de ne plus être surprit par la suite.

      J'allais poser une question sur la Simulation mais son espèce de montre digitale s'est mise à biper et il s'est éloigné vers le Bâtiment en parlant dans une oreillette que je viens de remarquer. Je regarde autour de moi, ignorée par la plupart des personnes présentes et je prends l'initiative d'avancer dans le Jardin. L'impression de redécouvrir la nature crée en moi un sentiment de confusion. Je comprends ce que voulait dire Mike à propos des sens. Mon cerveau doit avoir du mal à s'habituer, me faisant me demander si l'air que je respirais avant et celui-là sont les mêmes. Si les odeurs fraîches d'herbe coupée et de vent sont les mêmes que j'ai senti pendant presque dix-neuf ans. J'ai l'impression de me perdre dans mes interrogations, de me faire buguer le cerveau et d'être un chiot que l'on vient de ramener dans sa nouvelle maison. Je me penche pour effleurer l'herbe de la paume comme si mon corps avait besoin de se convaincre que c'est maintenant ça, sa réalité. Le premier contact me fait presque sursauter, puis je réalise que c'est stupide. Que le fait d'être dans la Réalité ne change rien. Peu importe la vie dans laquelle je suis, le toucher de l'herbe est le même et je vais devoir me convaincre et m'habituer à arrêter de comparer les deux.

      — Nouvelle ?

      Je sursaute et relève la tête, le soleil m'éblouit et je dois me redresser pour voir qui vient de parler.

      — Te sens pas bizarre, 90% des gens l'ont fait aussi en arrivant.

      Le plus grand se met devant le soleil et je peux facilement distinguer les deux garçons. L'un, blond avec une barbe de quelques jours, plutôt musclé, des yeux bleus, plus âgé que moi, habillé comme toutes les personnes que j'ai pu croiser ; et son camarade, un garçon mat de peau aux cheveux très courts noirs, rasé, des yeux marrons et un bandana rouge autour du cou.

      — T'as pas de langue ?

      La voix du plus âgé est beaucoup moins chaleureuse que celle de l'autre garçon. Plus brute de décoffrage, lui c'est sûr qu'il n'est pas là pour se faire des copains ; pourtant il a l'air de bien s'entendre avec l'autre.

      — Je m'appelle Noa.

      Ils me dévisagent tous les deux, comme la plupart des gens qui entendent mon prénom trop masculin pour ma silhouette de petite fille. Ça au moins c'est quelque chose qui ne change pas d'une réalité à l'autre. Puis je réagis et me dis qu'ils s'attendaient peut-être à ce que je leur donne mon Matricule.

      — Matricule XX96-15 en fait.

      Les deux garçons se regardent en souriant - enfin seulement le mat de peau -.

      — Moi c'est XY02-22 mais entre nous, ici on n'est pas des numéros donc c'est Ash. Et le grand blond à l'air féroce, c'est XY766-89 mais son petit nom c'est L'Arbalète.

      Je tourne la tête vers le dit « L'Arbalète » et si ses iris bleus n'avaient pas été en train de me transpercer de toutes parts, j'aurais sans doute rigolé.

      — Pourquoi L'Arbalète ?

      L'assurance et la spontanéité de ma question m'étonnent. Je me sens stupide d'avoir sortit ça comme ça, mais Ash paraît plutôt amusé. Je baisse les yeux pour le voir tendre le fruit, une pomme, dans lequel il vient de croquer, pour voir son camarade le lancer en l'air. D'abord, la puissance de son lancer me laisse sans voix. Mais la façon dont il dégaine une arme de derrière son dos avant de tirer dans la direction de la pomme, que je ne vois plus à cause du soleil, me fait sursauter.

      — Ta main.

      Joignant le geste à la parole, il m'attrape le poignet gauche et me force, grâce à la pression de ses doigts, à la mettre à plat, paume vers le haut. Je fronce les sourcils et sursaute de nouveau quand je sens un poids à l'intérieur de ma main. La pomme. Transpercée à la verticale par la flèche. J'écarquille les yeux et la retourne dans tous les sens pour être sûre de ce à quoi je viens d'assister. Mes yeux se portent d'abord sur Ash qui rit discrètement comme si il était habitué à la démonstration de force de son camarade. Puis je tente un regard vers L'Arbalète.

      — Impressionnant non ?

      Ash me prend la pomme des mains et retire la flèche avant de croquer de nouveau dedans. Je vois L'Arbalète ranger la flèche dans son dos après l'avoir essuyée sur son pantalon, puis il replie son arme que je distingue bien maintenant. Une arbalète dernière technologie visiblement, qui doit s'armer toute seule, au contraire de celles que j'ai vu dans mes bouquins d'Histoire.

      — Ça répond à ta question ?

      Je risque un nouveau regard vers le blond et dans sa voix je décèle un léger accent que je n'avais pas remarqué avant, mais je ne saurais pas dire d'où il vient. Pour toute réponse je ne trouve rien de mieux à faire que de hocher la tête.

      — Il va te falloir beaucoup d'entraînement, si tu sursautes à chaque bruit tu vas te retrouver au Bannissement plus vite que prévu.

      Avant que j'ai le temps de lui demander ce qu'est le Bannissement, il repart vers le fond du Jardin, Ash sur ses talons après qu'il m'ait fait un signe de la main digne d'un capitaine de bateau. Plus confuse qu'avant leur intervention, je décide de retourner voir Mike, espérant qu'il ne m'ait pas laissée seule ici.

      Quand je franchis de nouveau la porte pour revenir dans la salle d'entraînement, je réalise trois choses : la première, qui ne me surprend pas tant que ça, c'est qu'être « réveillé » ne nous garantit pas d'être en sécurité entre ces murs. La deuxième, c'est que même sans être là pour copiner, nous sommes tous dans le même bateau et arrivés ici de la même manière mais visiblement pas avec le même passé si je me base sur les Matricules que j'ai entendu. Et dernièrement, je ne sais pas de quelle manière l'exprimer, mais l'odeur de ces murs me fait ressentir un rapide sentiment de familiarité.

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REALITY - Tome 1 ; (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant