— Regarde au moins la feuille, ça aide forcément.
— Parce que tu vas me dire que quand tu écris, tu regardes systématiquement ton clavier alors que tu ne le regardes même pas en cours ?
— Ce n'est quand même pas tout à fait comparable. Quand j'écris à la main, je regarde ma feuille par exemple.
— Ça, c'est parce que tu sais ce que tu veux écrire. Mais moi là, je ne sais pas ce que je veux dessiner, quand j'ai une idée derrière la tête, évidemment que je regarde. Enfin en soi, c'est de toute manière psychologique, que je regarde ou non, je suis persuadée que je peux faire quelque chose ayant une forme réelle. Si tu veux, je ferais le test après, avec une meilleure musique que ça par contre. Après tout, ça ne peut pas faire de mal, la plupart des artistes s'accordent à dire que l'inspiration vient du monde extérieur.
— Pourquoi pas maintenant ? m'interroge-t-il. Après tout, elle est bien cette musique.
— Comme je te l'ai dit, je n'ai pas la moindre idée de ce que je pourrai faire. Toi tu en aurais à ma place ?
Très mauvaise question vue comme il est en train de rougir à vue d'œil, je ne veux même pas entendre sa réponse et ça tombe exceptionnellement bien, il ne veut pas non plus me la donner.
— Bon, sinon, est-ce que nous pourrions pas reprendre la conversation là où nous l'avions laissé avec ma réplique de la huitième composition, parce que là, on va finir par se crêper le chignon pour rien, ça nous mène nulle part.
Il accepte soulager, paraissant adorer mon changement de sujet et peut-être même plus encore, mon ignorance mesurée face à sa réaction. Nous continuons à parler presque jusqu'à la fin de la musique, où je ne me fais couper la parole par Elijah :
— Le dessin !
Sachant d'avance qu'il ne dit pas ça pour rien et qu'il a remarqué quelque chose que je n'ai pas vu, n'ayant pas admiré ma feuille depuis le début, je baisse les yeux et je vois les esquisses d'un dessin loin d'être fini. Je mets sans doute plus de temps que lui à réagir, n'en revenant pas de ce que j'ai fait. Le dessin n'est pas encore achevé, mais on devine très clairement un visage masculin, aux traits fins et aux cheveux représentés par des coups de crayon aléatoires. J'ai conscience que ça pourrait être le visage de n'importe qui, mais ce n'est pas le portrait d'une œuvre connue, c'est unique. Pire encore, je n'ai aucun mal à reconnaître la personne, ce n'est pas n'importe quel visage, c'est celui d'Elijah, celui qui est à quelques centimètres du mien, celui que j'ai regardé pendant toute la mélodie.
Je mets encore un temps supplémentaire pour réagir complètement de ce qui vient de se passer et de ce que ça signifie. Mais dès que l'information est enregistrée, je ne tiens plus en place, je n'ai même pas envie de contrôler mes réactions, tout ce qui compte, c'est ma première œuvre. D'instinct, je me jette au cou d'Elijah, le prenant dans mes bras. Je sens de l'électricité parcourir tout mon corps, mais je m'en fiche, je suis trop heureuse pour me préoccuper de ça.
— Merci ! affirmé-je au summum du bonheur, ne trouvant pas de meilleur mot.
— De rien, réplique-t-il presque aussi heureux que moi, je n'aie même pas besoin de voir son expression pour savoir qu'il sourit.
Même si je serai presque tentée de prolonger notre étreinte, je m'en empêche, à force, ça va être beaucoup trop long pour être normal. Et je crois que c'est précisément au moment où je m'éloigne de lui que je comprends ce que j'ai fait. J'ai vraiment l'impression d'avoir empiré la situation et maintenant, je suis encore plus perdue que quelques secondes plus tôt.
— C'était quoi ça ? demande-t-il en me regardant de plus en plus surpris et effrayé, semblant réussir à voir à quel point je suis déboussolée.
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RONII (Terminé)
Научная фантастикаEt si De Vinci avait laissé plus que des notes et des toiles derrière lui ? Une dernière création, une ultime œuvre bien plus complexe que vous pourriez l'imaginer, au-delà de toutes les connaissances ? Ronii Ross, une jeune femme apparemment comme...