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 Puis qu'il est un peu plus de minuit, je décide d'y aller dès maintenant. C'est vrai que pour l'instant, je n'ai jamais trouvé cette clef USB au cours de mes intrusions chez les Stone, mais d'un autre côté, je ne l'ai jamais cherché alors peut-être. Je ne perds rien en essayant. Quittant ma chambre, je me dirige tout de suite vers mon objectif, inutile de perdre mon temps. Une fois encore, je rentre directement dans la maison, depuis le rez-de-chaussée. Je sais très bien ce que je cherche, je le sais mieux que toutes les autres fois réunies, j'ai déjà vu la clef USB en question et Elijah m'a dit lui-même qu'elle était normalement sur un porte-clefs. Le problème, c'est que je n'ai jamais vu ce porte-clefs ni le moindre porte-clefs, à vrai dire... Je n'ai même pas entraperçu ses clefs de voiture ou de maison. Ce qui peut s'avérer légèrement embêtant.

Procédant par étape, je tente d'abord de trouver un endroit où la fratrie rangerait leur clef, beaucoup de familles font ça, pourquoi pas eux. Mais a priori, il n'y a rien, je trouve même éparpillées de manière aléatoire les clefs de voiture de sa sœur aînée, Charlotte, ainsi que ses clefs de maison, qui sont à deux endroits différents. Je trouve bien un autre double des clefs de la porte d'entrée, même sans tomber dans le cliché, elle appartienne à Madison, la cadette, non seulement parce que tout est très féminin, mais aussi parce que ses initiales sont gravées sur un morceau de bois y étant attaché.

Traduction, celle d'Elijah ne sont pas là. C'est qui qui vient de gagner la chance, que dis-je, le privilège, l'honneur de devoir fouiller dans sa chambre ? Profitant ainsi de son aura malsaine pendant de longue minute ? C'est bibi. J'ai le droit d'ouvrir les paris et d'affirmer dès maintenant que je ne trouverai absolument rien, sans doute oui. Par principe, je vais quand même aller voir, mais sans trop d'espoir.

Pour la troisième fois, je monte les escaliers et je rentre dans la pièce au bout du couloir. Elle est toujours autant en bazar, j'ai du mal à croire qu'il arrive à s'y repérer correctement, mais bon. Moi en attendant, je commence à fouiller des placards, cherchant cette fameuse clef USB. Et... Et rien quoi. C'est tout bonnement incroyable, j'ai tout fouillé et il n'y a absolument rien, j'ai même regardé dans les poches de ses affaires, il n'a pas de clefs. J'aimerais bien croire qu'elles sont dans sa voiture, mais déjà, ce serait complètement con, mais en plus, soyons honnêtes, ce ne serait ni un endroit stratégique ni un endroit intelligent. Je commence même à croire qu'Elijah est suffisamment psychosé et parano pour dormir avec ses clefs, et à ce moment-là, je peux annoncer officiellement que je ne les récupérerai jamais comme ça... Si c'est ça, je n'ai plus qu'à espérer la récupérer discrètement dans nos derniers jours de travail ensemble... Dire que j'en viens à attendre de le revoir et de faire cette fichue thèse, je suis vraiment tombée très bas.

Ayant tout fouillé, je ressors de la chambre puis de la maison, je n'ai plus aucune chance de trouver quoi que ce soit ici... Me doutant déjà que je ne trouverai rien, je fais quand même un détour par la voiture d'Elijah, je ne les ai pas trouvés là-bas la dernière fois, mais je m'en voudrai de ne pas avoir tout tenté. Étonnamment, il a rangé sa voiture, je pense qu'on peut annoncer un exploit. Je ne suis pas gentille, je me moque quand même beaucoup de lui, mais il faut avouer quand même qu'il est horriblement bordélique. Du coup, j'ai moins à chercher, c'est vrai qu'il y a encore les sacs poubelles, mais bon, c'est quand même assez simple de voir s'il y a des clefs dedans ou non. Et évidemment, il n'est pas assez stupide pour mettre ses clefs dans la poubelle.

En plus, il pourrait m'observer que de temps à autre, mais non, il le fait en permanence, c'est à la limite d'être un comportement obsessionnel. Dès que nous ne sommes rien qu'au même endroit, il me fixe. Il ne le fait même pas discrètement, tout le monde ou presque l'a remarqué. Et vraiment, quand je dis que c'est tout le temps, c'est vraiment tout le temps, ce n'est pas une exagération de ma part, c'est vraiment à chaque fois qu'il en a l'occasion. Quand nous sommes en cours. Quand nous sommes dans le même couloir. Quand nous sommes dans la cafétéria. Partout. C'est épatant, ça en devient même flippant à force.

Comme si ce n'était pas suffisant, il m'oblige à changer certaines de mes habitudes pour paraître plus « humaine » à ses yeux. Ma mascarade habituelle marche normalement à merveille, mais avec lui, je me méfie, il est observateur et à force, je suis sûre qu'il peut trouver certains détails très étranges. Ainsi, en cours, j'use plus de temps de réflexion pour les contrôles et les exercices. Dans les couloirs, je traîne plus les pieds et je « rêvasse », ce qui a le don de m'agacer, quand je vais quelque part, je veux y être vite, mais la fin justifie les moyens. Et à la cafétéria, je me force à manger plus, normalement, j'ai tendance à prendre juste assez pour grignoter, ça me permet de moins payer puisque je n'ai pas besoin de manger, ce que je prends me suffit très largement, mais une fille avec mon physique mangeant trois feuilles de salade tous les midis, c'est légèrement étrange.

Bon, pour le coup, j'exagère peut-être un peu, déjà, je ne mange pas que de la salade, je ne vais pas non plus là-bas tous les jours, mais ça peut quand même être étrange au long terme et en attendant, mon portefeuille prend beaucoup plus cher que d'habitude. C'est le cas de le dire.

Mais de toute manière, malgré tous mes efforts, je sens toujours ses yeux posés sur moi où que j'aille, à croire qu'il a de vrais soupçons. Soupçons dont je n'ai pas même rien qu'une vague idée de leur ampleur. Parce que bien sûr, cette enflure ne me pose plus aucune question. Même pendant nos dernières séances de travail sur la thèse. Si j'avais su, je ne l'aurais pas menacé, ça m'apprendra à être aimable, maintenant je me retrouve dans la merde et complètement pommée, c'est malin. En plus, il a peut-être suffisamment peur de moi pour éviter de m'interroger, mais pas pour arrêter de me fixer h24. Prochaine fois que je me coltinerai quelqu'un de beaucoup trop curieux, j'éviterai de le menacer, au cas où, ou sinon je le ferai différemment, mais en tout cas, je me débrouillerai pour ne pas me retrouver de nouveau dans une situation pareille.

J'avais espéré qu'il arrête à un moment ou un autre, mais après plus de quinze jours, je commence un peu à perdre espoir. Pour le coup, il n'y a aucun doute, son regard est toujours aussi insistant, sans aucun changement, il est toujours aussi entêté. Au moins, maintenant qu'on a complètement fini notre thèse, il ne me parle plus du tout, c'est déjà pas mal, même si par certains côtés, j'aimerais bien au moins comprendre ce qu'il a dans la tête. Mais je ne peux pas à la fois ne plus lui parler et comprendre ce qu'il me veut, ça semble compliquer, malheureusement.

À midi, quand j'arrive à la cafétéria avec Fauve et ses amies, nous nous installons à notre table habituelle et comme toujours je vois Elijah assis, seul, pile en face de ma place. J'ai bien essayé plusieurs fois de me mettre à un autre endroit, mais à part si je change de place aléatoirement à chaque fois que je mange ici, impossible de me débarrasser de lui. Je suis à peine assise qu'il me fait un signe, semblant vouloir que je le rejoigne.

J'ai conscience que depuis quelques jours j'en venais même à espérer qu'il veuille me parler, mais maintenant que je suis face à « l'opportunité », je n'en suis plus si sûre du tout. Après tout, c'est très mauvais signe, ça signifie qu'il a trouvé du nouveau et que c'est suffisamment intéressant pour qu'il risque de m'en parler et ça, ça craint. Je suis vraiment à deux doigts de l'ignorer royalement, les chances qu'il est découvert mon secret sont très minces. Mais elles existent tout de même et avec lui je me méfie. Honnêtement, je crains surtout qu'il a découvert la vérité, à force de fouiller, ça semblerait logique, et qu'il décide d'en parler autour de lui.

Ce ne serait qu'une rumeur, mais une rumeur qui est presque exclusivement vraie, c'est très dangereux, surtout pour moi. Il faut absolument que le moins de monde possible découvre que je suis un robot super sophistiqué cachant des évolutions scientifiques depuis un demi-millénaire.

— Les filles, j'y vais, je reviens dans deux secondes, annoncé-je en indiquant la table d'Elijah.

— O... K... hésite Fauve en ne semblant pas convaincue, elle, qui est au courant de tout, sait très bien que c'est étrange que j'aille à sa table.

Les deux autres filles sont surprises également, mais un peu moins, de toute manière, elles n'auront aucune chance d'apprendre quoi que ce soit et elles le savent.

RONII (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant