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 — Alors comment s'est passée cette rentrée, Ronii ? me demande ma tutrice quand je rentre de cours avec Fauve au moment où je la rejoins dans la cuisine où elle prépare le dîner.

Ma mère adoptive est une femme noire, qui pourrait très bien être ma parfaite opposée, tout comme sa fille biologique. En soi, elle n'a jamais vraiment choisi de m'accueillir, elle l'a juste accepté. Depuis toujours, je sais très bien qu'elle l'a fait pour honorer la mémoire de sa propre mère, une grande dame qui n'a malheureusement jamais pu avoir d'enfant biologique et qui par un certain hasard a été l'une des plus proches amies d'Einstein.

C'est sûr que dit comme ça, ça n'a rien à voir, mais dans le fond si : lorsque l'équipe du projet RONII est venue voir Einstein, le scientifique a d'abord refusé. Mais il a quand même accepté un peu plus tard, à une condition, que le robot, c'est-à-dire moi, soit adopter par Katherine Yates et son mari. Dans les faits, je n'ai jamais été prête à temps et la grand-mère de Fauve a réussi à adopter un enfant, ma mère adoptive. Et lors de ma mise en service, il y avait toujours cette condition, même une fois Einstein mort, sauf que Katherine aussi était décédée, d'un cancer, un an plus tôt. L'équipe du projet RONII a alors proposé à Jane, l'unique fille de Katherine, qui a accepté pour sa mère malgré ses réticences à mon égard. Surtout que lors de mon arrivée, elle était enceinte et attendait déjà un enfant, Fauve.

Malgré tout, je sais très bien qu'elle m'aime autant que sa propre fille, même s'il faut reconnaître qu'au début, elle a eu un peu de mal avec le fait que je sois une robot. Ce qui honnêtement peut se comprendre, je suis quand même la première vraie intelligence artificielle et je suis armée jusqu'aux dents. Bon, quand j'avais le physique d'un bébé, je n'y étais pas encore. Mais ça ne changeait rien à ma puissance et au fait que dès que ça a été possible, je l'ai été.

— Comme toutes les autres, répondé-je en souriant, évitant de dire que j'ai énervé mon professeur référant dès les premières heures et que je sens mal un élève de ma classe.

J'ai d'ailleurs croisé beaucoup trop régulièrement monsieur Stone aujourd'hui pour que ça relève du hasard. Sauf si je fais obligatoirement plus attention à lui qu'au reste des élèves, ce qui est tout à fait possible.

— Et toi, Fauve ? questionne notre mère envers sa propre fille, ma petite sœur, qui vient tout juste de débarquer dans la cuisine.

Ça me fait toujours rire de voir à quel point ma cadette ne me ressemble pas du tout physiquement, étant mon parfait opposé, alors que nous sommes des miroirs mentalement. Pourtant, ça ne change rien pour nous. Nous sommes tout de même sœurs. Le fait qu'elle est la peau noire alors que moi, je suis à l'extrême limite entre la pâleur et du blanc et que nous n'avons aucun point commun, que ce soit au niveau de la taille, de la silhouette ou des cheveux n'a aucune importance.

— Super bien, j'ai retrouvé mes potes, répond Fauve en s'asseyant à côté de moi.

J'en ai un peu honte, mais elle assise sur une chaise et moi debout, nous faisons exactement la même taille... Je pourrais sans doute demander aux scientifiques du projet RONII de me grandir un peu, après tout, ça a aussi des avantages d'être un robot. Mais ce serait de la triche et je ne suis pas une naine non plus, mesurant très précisément un mètre soixante et un et demi – vive les conversions d'unité.

— Tu n'as pas abandonné Ronii j'espère, se moque ma mère, alors qu'elle sait très bien que nous nous entendons beaucoup trop bien pour que l'une d'entre nous laisse tomber l'autre.

Nous ne sommes peut-être pas dans la même classe ni dans la même année, mais ça ne change rien au fait que nous nous retrouvons à chacune de nos pauses et que nous mangeons ensemble tous les midis, en plus de faire la route toutes les deux. Et Bon Dieu, qu'est-ce que ça fait du bien de reprendre nos bonnes habitudes, l'année dernière, ça m'avait presque manqué que nous ne soyons pas dans le même établissement scolaire.

RONII (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant