RONII (Terminé)

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 Je ne suis pas sûre de vouloir lire cette lettre enfaîte, je ne suis pas certaine qu'elle soit positive, je suppose même le contraire et je dois avouer qu'en plus, le sujet peut être plutôt mélancolique et je n'aime vraiment pas ça. Je n'ai même plus d'espoir par rapport à la recherche que fait mon père, ça fait six mois qu'il a écrit sa dernière lettre et il n'a pas annoncé m'avoir retrouvée, alors qu'il savait qui avait fait le coup, ce n'est clairement pas un bon signe, je dirais même que c'est tout le contraire. Il me reste sans doute plus qu'à espérer que la dernière lettre sera positive, ce sera ma dernière chance, après, l'une des dernières personnes connaissant mon existence et me voulant du bien sera morte... C'est si gai cette histoire... Dire que j'aime les fins heureuses et que ma propre histoire finit mal.

En tout cas, je finis par prendre mon courage à deux mains et je lis cette foutue lettre, elle m'apprendra peut-être quelque chose d'intéressant, qui sait... Autant que je ne meurs pas bête. C'est vrai que je ne peux pas mourir, mais quand même.

Cher Léonard,

Je me sens un peu plus stupide à chaque fois que je t'écris, c'est assez impressionnant... La dernière fois, je t'ai affirmé être sur la bonne voie, d'être à deux doigts de mon but, que très bientôt j'allais retrouver notre fille... Et c'est peut-être vrai, je suis peut-être tout près de notre objectif, je sais peut-être exactement qui l'a enlevé, mais peut-être pas... En tout cas, toutes mes certitudes sont durement ébranlées depuis longtemps déjà... Je dois t'avouer que je n'ai pas trouvé Angelina... Ça fait des années déjà que je n'ai plus de contact avec elle, depuis notre départ pour la France pour tout t'avouer et je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où elle se trouve... En tout cas, sa dernière adresse n'est plus la bonne, elle s'est apparemment volatilisée sans donnée la moindre nouvelle ni information à qui que ce soit et beaucoup pensent même qu'elle s'est fait tuer, mais personne ne s'est inquiété véritablement pour une misérable personne comme ma sœur...

Je n'ai donc plus aucune piste et bien sûr, il m'est impossible de retrouver une paysanne dans un pays si vaste, j'ai bien essayé, mais c'est un véritable échec, il ne me reste plus qu'à espérer un miracle alors que j'ai parfaitement conscience qu'il n'existe pas...

Qu'est-ce que j'aimerais te dire qu'en plus de quatre ans, j'ai bien avancé, que je n'en suis plus du tout au point mort, mais ce serait te mentir... Je voudrais tant t'annoncer de bonne nouvelle en te disant la vérité... Mais je n'en ai aucune... Francesco est parti, je lui ai demandé d'abandonner... J'aurais tant préféré t'apprendre leur mariage... À la place, il est rentré à Vaprio d'Adda comme ses parents l'en supplier depuis ta mort... Je suis donc seul dorénavant... Seul et sans espoir... J'espère de tout mon cœur que je retrouverais notre fille, mais pour l'heure, je ne peux plus rien faire à part attendre et espérer qu'Angelina retournera à Milan et que je pourrais ainsi enfin l'interroger comme j'en rêve depuis des années et récupérer notre fille en la sauvant des griffes de ma sœur.

Et pour finir sur une toute dernière mauvaise nouvelle, parce qu'après tout, je ne t'écris pas uniquement pour te signaler la miséricorde qui m'entoure, cette lettre a un autre but, aussi malheureux soit-il. J'ai conscience que ce n'est pas très délicat de ma part de rajouter cette information en fin de lettre, encore moins de te l'annoncer aujourd'hui, mais je n'arrivais pas à m'y résoudre avant, je n'avais pas le cœur de le faire. Alors, pardonne-moi d'avance, je n'ai pas la moindre envie de le faire tout comme je n'ai pas envie de te le dire... Je vais me marier... Officiellement cette fois, pas comme quand nous l'avons fait uniquement pour nous deux.

J'aurais aimé trouver une autre solution, une meilleure solution, je suis même certain que si tu avais été encore là, tu aurais eu une bonne idée, mais moi, je n'en ai eu aucune autre. À force de parcourir l'Italie à la recherche de notre fille, je n'ai plus le moindre sou. Si je voulais continuer à entretenir ton vignoble, cet endroit qui te tenait tant à cœur, l'endroit où nous nous sommes rencontrés, l'endroit où nous avons longtemps vécu, l'endroit où notre fille sait qu'elle peut nous trouver si jamais elle parvient à s'enfuir, il me faut de l'argent, beaucoup même... N'ayant aucune compétence manuelle et aucune reconnaissance artistique, je n'avais d'autre choix que de me marier, il me fallait une dot... Si je veux entretenir encore le mince espoir que notre fille puisse avoir le moyen de me retrouver au besoin, je l'entretiendrai coûte que coûte...