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 L'épisode de ce matin m'a encore plus démotivée d'aller chez lui, je commence même à envisager de ne pas finir cette foutue thèse. Au pire, si je me tape un zéro, j'arriverai aisément à la rattraper, mais le truc, c'est que le prof aura encore moins de chance de me permettre de travailler seule... Tant pis pour moi, il ne me reste plus que quatre jours à tenir, je dois être courageuse. Mon courage va juste avoir des limites. Cette fois, c'est lui qui m'ouvre, ce qui par certains côtés nous fera gagner du temps, mais il profite des dix petits mètres qui séparent l'entrée du salon pour faire la causette.

— Pourquoi as-tu été adoptée ? demande-t-il juste après m'avoir fait rentrer.

— Mais tu as fini ? Sérieusement, je te demande pourquoi tu as déménagé ? Non, alors maintenant, fous-moi la paix.

— Tu es originaire d'où ?

— Je ne veux pas en parler, ce n'est pas assez clair ? Je te rappelle qu'on doit finir notre thèse, elle est à rendre jeudi, je te signale.

— J'ai bien le droit d'être curieux non ?

— Tu n'es pas curieux, tu es insistant et chiant, ce n'est pas du tout pareil, la curiosité a des limites je te signale.

Il n'insiste pas plus, mais je vois bien dans son regard qu'il n'en a pas du tout, mais alors pas du tout fini, je sens que je vais bientôt avoir le droit à un nouvel interrogatoire, mais j'ai sans doute un peu de temps, peut-être même que si je me débrouille bien, je vais pouvoir fuir avant. Mais avant de fuir, il faut bosser, heureusement, je suis efficace. Cette fois, nous finissons notre deuxième brouillon, il ne nous restera plus qu'à tout mettre au propre, je vais bientôt être enfin débarrassée, au plaisir de ne plus jamais travailler avec lui.

À mon grand désespoir, il finit son deuxième brouillon, qui est enfaîte la partie que j'ai faite, avant que j'aie fini de retravailler sa partie... Pourquoi au juste j'ai directement fait quelque chose de presque parfait ? Si j'avais moins bien rédigé, il n'aurait pas déjà fini. Parce qu'en attendant, il a eu le temps de ranger, ce qui à coup sûr, va lui permettre de me raccompagner jusqu'à la sortie. Si j'avais su...

Dès que j'ai moi-même terminé, je me dépêche de tout fermer pour fuir le plus vite possible, mais je ne suis pas assez rapide.

— Maintenant, j'ai le droit de te poser des questions

— Je pars.

— Juste une ou deux. Tu sais pourquoi tu as dû être adopté ? m'interroge-t-il toujours insistant.

Je ne sais vraiment pas ce qu'il a comme problème ce mec, mais il y a quelque chose. Je ne sais pas, c'est le refus qui l'encourage à continuer à ce point-là, mais il est à un stade assez incroyable quand même, il ne tient vraiment pas à lâcher l'affaire. Manque de bol, moi non plus, sauf que je tiendrai le coup beaucoup plus longtemps que lui, surtout, il risque de voir son espérance de vie s'écourter, c'est uniquement parce que je n'ai pas encore trouvé l'occasion qu'il est toujours vivant.

N'ayant vraiment plus la patience, je monte en voiture sans lui répondre et en le laissant « tranquille », mais cet idiot trouve la bonne idée de retenir ma portière avant que je ne la ferme. J'hésite très sérieusement à la fermer un bon coup sec, comme ça, je lui broie tous les os de la main droite et ça le dissuadera sans doute de revenir me parler. Mais le sang, c'est très chiant à nettoyer et je tiens trop à ma voiture pour ça, en plus les procès c'est affreusement agaçant, bref, une grosse perte de temps inutilement, alors je m'en dispense. Dommage.

— Bon Elijah, je ne sais pas si tu es complètement con ou si vraiment tu fais exprès de ne pas comprendre, mais je ne veux pas parler avec toi. Alors, lâche-moi les baskets, sinon je ne peux pas te promettre que tu retrouveras tous tes doigts, affirmé-je en attrapant la poignée de la portière.

RONII (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant