RONII (Terminé)

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 — Je ne m'attendais pas du tout à ça, s'exclame-t-il réellement surpris une fois que j'ai arrêté de monologuer.

Je sais bien que tu ne t'attendais pas à ça, tu t'attendais à ce que le fiancer de ma version humaine soit un monstre et qu'ainsi, tu sois bien mieux que lui. Bon, dit comme ça, ça fait un peu égocentrique, mais le fond reste le même, la forme n'est qu'un petit détail.

— Mais au-delà du fait qu'elle est complètement folle, comment elle a pu faire ça ? Genre, aussi dérangée soit-elle, comme une mère peut en arriver à faire une chose pareille ? C'est quand même monstrueux !

— J'en ai conscience... Mais tu sais parfois, les personnes font des trucs complètement idiots sans la moindre raison... Après, pour le coup, d'après moi, c'est qu'elle a tendance à beaucoup s'attacher aux gens... Elle avait déjà eu de mal à me confier à mes pères après ma naissance et là, j'ai passé « récemment » du temps avec elle, elle a dû s'attacher de trop et pété un câble lorsqu'elle a su que j'étais partie en France, c'était sans doute trop pour elle... Mais ce ne sont que des théories, la raison est peut-être tout autre...

— C'est tout sauf logique, tu le sais ? demande-t-il en haussant un sourcil, l'air sceptique.

Merci de penser que ma théorie est pourrie, ça fait toujours plaisir... Et honnêtement, je ne vois pas pourquoi elle serait illogique, tous les éléments concordent et correspondent à ce que je sais, je suis persuadée que je ne peux rien trouver de mieux.

— Pourquoi ? l'interrogé-je tout de même avant de lui lâcher mes pensées en pleine tête.

— Si elle tient tant aux gens qu'elle aime, au point d'avoir envie de les kidnapper lorsqu'ils s'éloignent, pourquoi donc elle t'a fait adopter ? C'est complètement débile, pourquoi ne t'a-t-elle pas plutôt gardé dès le début ? Ça aurait été plus logique non ? Parce qu'une personne possessive comme ça ne devrait jamais avoir l'idée de laisser son enfant entre les mains de quelqu'un d'autre, même son propre frère.

— Après, elle était jeune quand elle m'a eu. Elle ne s'est peut-être pas sentie capable de m'élever, surtout que j'étais une enfant illégitime, née hors mariage, c'était quand même compliqué. Et de base, elle voulait avorter, c'est Salaï qui lui a proposé cette alternative, elle ne voulait pas au départ, ce n'était pas son intention en tout cas. Mais comme toujours, c'est dur de savoir, je cherche des réponses à propos de quelque chose qui a eu lieu des siècles plus tôt, je suis obligée de faire des suppositions, ajouté-je en lui donne en parti raison par rapport à l'improbabilité générale de la situation.

— Honnêtement, si tu veux mon avis, je trouve que c'est toujours aussi bizarre, même dans le contexte de kidnapper son propre enfant, surtout après l'avoir fait adopter. Je maintiens que c'est tout sauf logique et qu'elle était complètement folle, De Vinci faisait bien de s'en méfier, moi je ne lui aurais jamais accordé ma confiance.

— Comme si c'était facile de se méfier des psychopathes, je suis persuadée que tu n'aurais rien vu venir non plus, même avec toutes les cartes en main. Même moi qui suis programmé pour faire attention à tout, je ne l'ai pas senti venir.

— En soi, tu en parles comme si c'était une catastrophe que tu te sois fait enlever par elle, mais elle a dû bien s'occuper de toi et c'était quand même ta mère.

— Tu sais, quel que soit le lien de sang, un kidnapping reste horrible. Honnêtement, ce n'est pas vraiment ma mère, pour moi, et je pense que pour la vraie Ronii, c'est la même chose, mes parents, ce sont Léonard et Salaï. Et pour ma version humaine, ce sont eux qui l'ont élevé, pas Angelina, sa mère biologique n'avait pas la moindre importance si tu veux mon avis. Alors, je pense qu'elles ne se connaissaient pas vraiment, pour moi, Angelina n'était rien d'autre que la personne qui m'a porté pendant neuf mois. OK, je l'ai un peu fréquenté et je savais le lien qui nous unissait, mais ça ne change rien au fait que je me suis retrouvée entre les mains d'une inconnue ou presque, en tout cas la dimension mère/fille devait être inexistante.

« À mes yeux, ça ne change rien au fait que ça a dû être atroce de se faire kidnapper, peut-être même au contraire, ça l'a empiré étant donné que je la connaissais et que je lui faisais à peu près confiance avant tout ça. Et en plus, il ne faut pas oublier qu'elle m'a privée de mes parents pendant presque quatre ans, ainsi que de mon fiancé et que pendant ce temps-là, De Vinci est mort alors que j'étais loin de lui ! En plus, vu les dates, je ne pourrais même pas passer du temps avec Salaï avant qu'il ne meure lui aussi. Angelina m'a quand même enlevé ma vie et privée d'énormément de choses ! En y réfléchissant, ça empire vraiment la situation générale !

— C'est très perturbant de t'entendre en parler comme si c'était toi qui l'as vécu et que tu es encore plongée dans le moment !

— Mais c'est le cas franchement ! Là, je suis encore dans le feu de l'action ! Je n'attends presque qu'une chose, c'est de découvrir la suite... Et je dois aussi avouer que plus le temps passe, plus j'ai du mal à considérer l'ancienne Ronii et moi comme deux entités distinctes, pour moi, nous sommes presque une seule et même personne placée dans deux époques différentes.

— C'est sûr que ça doit être particulier. Dans tous les cas, tu as une drôle de mère biologique, ça, tu ne peux pas le contester !

— Je ne te le fais pas dire ! C'était une bonne grosse psychopathe, enfin vu le contexte, c'est plutôt une sociopathe, mais ça, c'est un détail, à mon avis. Et franchement, je crains que ce soit de famille... Parce que quand même, la fille légitime d'Angelina, celle qui a ensuite transmis mes plans, était déjà assez grande pour comprendre lorsque je me suis fait enlever, elle savait donc mon existence et le mensonge de sa mère, ça ne lui a pas posé le moindre problème. Et la descendance était peut-être aussi au courant et pareille, pas le moindre doute sur le bien fonder, au contraire. Alors franchement, on est sur un bon gros niveau de famille de fous. Honnêtement, j'espère que c'est juste une question d'éducation, sinon, la vraie Ronii l'était aussi...

Il se met à rigoler, alors que je ne vois pas vraiment ce qu'il peut y avoir de drôle. Au contraire, mon petit discours était plutôt déprimant, en tout cas, il l'y était plus qu'il n'était amusant.

— Qu'est-ce qu'il y a ? le questionné-je mi-énervé, mi-surprise.

— Tu veux mon avis ? La vraie Ronii était une psychopathe et tu y es tout autant. Je ne rigole pas, ajoute-t-il en voyant mon air choqué. Tu as conscience que tu m'as déjà menacé plusieurs fois ? Ça se rapproche tout de même pas mal de ma définition de psychopathe.

Si j'étais une psychopathe, je me serais déjà introduite par effraction chez lui avec la ferme intention de le tuer. J'avoue je suis allée chez lui de nuit et qu'à plusieurs reprises, j'avais envie de le tuer. Mais jamais les deux à la fois. Et c'était avant de le connaître, je suis certaine que je n'aurais de toute manière pas eu le cran, ce qui signifie que si jamais je suis effectivement une psychopathe, je suis une gentille psychopathe.

Je ris à mon tour en y pensant, avant de lui faire remarquer :

— Tu as conscience que je ne t'ai jamais rien fait ? C'est bien la preuve que je ne le suis pas ! Franchement, je serais une psychopathe, tu serais mort depuis belle lurette, j'ai eu des centaines d'occasions au minimum.

J'ai le droit de mentir, ce n'est pas interdit et ce n'est même pas un vrai mensonge, je dissimule juste une partie de la vérité, en quelque sorte, je le protège.

— Mouais, reconnaît-il en faisant clairement semblant d'être sceptique, alors qu'au fond, je dois bien lui donner raison, je suis une tarée.

Il est quand même incroyable, il faut bien l'avouer. Je suis assez exceptionnelle aussi, mais pour moi, ce n'est pas positif. Chez lui, c'est l'une de ses plus belles qualités et bizarrement, je ne peux pas m'empêcher de l'aimer, c'est phénoménal. Étrangement, même si je ne sais toujours pas si c'est complètement normal pour moi, je commence tout doucement à m'habituer à l'idée et à admettre qu'en me donnant les sentiments d'un être humain et les goûts de la vraie Ronii, ils n'ont sans doute pas pu m'empêcher de ressentir de l'amour pour quelqu'un et mes bugs n'en sont pas totalement en réalité. Dans les faits, les seuls bugs que j'ai vraiment, ce sont ceux qui se sont rajoutés récemment.

Voyant bien qu'Elijah ne va rien ajouter, je prends une nouvelle lettre, l'avant-dernière. Quand je vois la date, le 14 juin 1523, je me doute bien que je n'en obtiendrai rien d'intéressant et que la lettre est presque de l'ordre du privé ou de la confidence, en tout cas, je ne pense pas qu'il y ait un rapport avec moi. En tout cas, puisqu'elle a été écrite le jour de son mariage avec Bianca Coldiroli d'Annono, la femme qu'il a épousée par dépit des années après la mort de son seul grand amour.