CHAPITRE PREMIER : DÉCADENCE (2)

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Musique en média

(Les passages, originellement barrés, seront soulignés, étant donné que Wattpad n'offre pas cette possibilité).

Dimanche

— Hé, Sacha.

Morgann clappe des doigts devant mon visage, puis soupire bruyamment sur sa bière.

Dans le bar, l'ambiance s'est quelque peu réchauffée. L'air devient même un peu lourd, et me fait transpirer à grosses gouttes. Je passe un doigt au-dessus de ma lèvre supérieure, puis sous ma lèvre inférieure, écrasant cette humidité contre mon top.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Tu es encore soûle.

Il a dû le deviner avant même que je n'aie commandé le verre.

Morgann est celui qui me connait le mieux, sur cette terre, mieux que ma mère, bien qu'il s'agisse là d'un choix délibéré actionné il y a bien longtemps par mon inconscient, et parfois mieux que moi... Même si j'essaye d'ignorer ce fait là, qu'il me colle constamment au nez sans me railler toutefois de combien je lui suis dévoilée de moi-même.

Concernant ce fait, je ne crois pas que ce soit mon inconscient qui me fasse préjudice. Mon corps seul me trahit, et le transforme en cette sorte de providence subreptice qui me plaît parfois...

Des fois, aussi, je me dis que sa nature froide, mesurée, et avisée y est pour quelque chose, et qu'il pourrait mettre à nu qui il souhaite, aidé de ses grands yeux bleus insistants.

Sa face, elle, reste constamment éteinte. Il a un visage si peu ébranlé par les événements là où le mien s'épanche en toutes sortes d'émotions, certaines mélangées, d'autre perdues, parfois peut-être inventées — qui sait ? —, que ça reste un constant renouveau lorsque ses traits se meuvent en conscience.

— On va bientôt rentrer ? je bredouille en fixant le plafond coloré, mon visage posé sur son épaule.

— On a un devoir pour demain.

— Je l'ai fait.

— Tu mens.

Je grimace, puis mon visage tombe sur sa main, posée à l'avance sur la table pour protéger mon crâne. Il prévoit tout. Il prévoit trop.

— Viens, on va au lac.

Il secoue la tête en laissant doucement rouler mon front sur la surface de bois lisse, s'ébranlant lorsque l'homme du fond frappe dessus à pleine mains, riant grassement.

— Tu vas finir par te noyer, je te connais, et ce n'est pas ce qui était prévu.

— On avait dit un verre aussi, je souris.

Mes yeux se perdent dans des formes qui n'ont plus de cohérences. Des formes abstraites entre mes cils. Des boules de lumières volages. Je termine mon verre d'une dernière gorgée.

— On y va, il ordonne en posant un billet sur la table, délaissant une bière qu'il n'a même pas touché depuis notre arrivée.

Lorsque Morgann prend une décision, je sais qu'il m'est impossible de faire autrement, pourtant, j'essaye tout le temps.

— S'il-te-plaît, le lac... Le lac !

Des visages, la plupart méconnaissables, se tournent vers nous suite à mon agitation. Une jeune femme à la crinière de feu s'apprête à me servir un nouveau verre, mais Morgann l'en empêche d'un signe de la main, puis son regard tombe dans le mien. Ses yeux bleus aciers me glacent, me terrassent. D'un mouvement souple du poignet, il parvient à déloger sa veste de sa chaise haute pour la poser sur mon épaule, puis il m'attrape sans délicatesse par le bras pour me traîner hors du bar, sans même que je ne proteste.

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant