CHAPITRE 3 : PERDITION (8)

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Musique en média

Je marche dans la nuit si calme qu'elle en devient insupportablement résonnante. Au moins, la brise fraiche m'aide à faire de l'ordre dans mon esprit confus.

J'ai mis son manteau, et il me tombe en dessous des genoux, ce qui n'est pas mal en soit, si ce n'est le fait que les manches me vont largement trop grandes, et que trois ourlets n'ont pas suffit à ne pas les laisser masquer mes phalanges exsangues.

Je n'ai pas peur de marcher seule, le quartier de Morgann est un quartier huppé, de ce fait, je ne pense pas qu'il y ait quoique ce soit à craindre... Si ce n'est moi-même.

Car cet embrasement lubrique qui me dévaste l'entrejambe ne veut pas se faire la malle, et j'ai beau avoir tenté de me masser dans un coin de ruelle, rien ne semble pouvoir l'arrêter, si ce n'est un membre viril.

Pourquoi ?

Je n'en avais pas envie, alors comment parvient-il à tisser sa toile dans mon cerveau et me dicter de façon absolue une conduite à adopter, une émotion à ressentir, un sentiment à vivre... un désir à assouvir ?

Mon souffle se saccade.

J'ai peur.

Je trébuche le long de la route. Il va se faire du soucis, encore. Je n'ai pas mon téléphone, et il m'a laissé seule dans la rue, avec cette luxure suggestive qui me met en danger à chaque seconde, tant je donnerais tout pour m'en débarrasser.

J'ai peur de moi-même.

Un tumulte brise le silence qui planait jusque là, presque surréel. Une forte musique envahit l'air, larde le silence sous une mélodie acharnée, les basses faisant trembler le sol qui s'étend sous les baskets usées.

C'est au tournant d'un rond point que j'aperçois une maison éclairée de faisceaux colorés et lumineux, des jeunes dans le jardin faisant tourner un joint, tous déjà ivres ou stones. Il s'agit peut-être là de la bacchanale, véritable foutoir, qui me promet l'exorcisme de ma concupiscence, alors j'amorce mon idée sans même la passer sous le crible de ma raison disparue.

J'y pose un pied hésitant, ne reconnaissant, de prime abord, aucun visage.

La maison est dans un tel état de désordre que je ne peux que passer inaperçue, mes deux tresses encadrant et dévoilant mon visage. À part si, ici aussi, les affabulations me concernant ont déjà fait concourir les prétendants à la débauche.

Pitié, faites que ça ne soit pas le cas.

Je cligne plusieurs fois des yeux en continuant à avancer dans la masse gluante, cherchant délibérément un garçon qui aurait l'air doux. Je n'ai pas envie de trouver quelqu'un de trop violent, de peur que cela ne fasse revivre sous mes paupières les actes précédents, agressifs et menaçants, de Morgann.

Mon doux Morgann : C'est de ça dont je veux me rappeler, pour l'instant.

Je continue à avancer, tâtonnant presque à l'aveugle tant la luminosité est basse. Je ne vois rien à quelques mètres, devinant seulement quelques corps se déhanchant sur le rythme d'une musique torride qui ébranle l'entrée maisonnée, les faisceaux lumineux passant d'un visage à l'autre.

Des ébauches barbouillés de maquillages coulants, et de sourire goguenards, autant que des pupilles dilatées au point de ne plus discerner d'iris.

L'alcool que j'avais dans le sang est déjà retombé depuis ma sieste, mais l'ambiance festive me rend irrémédiablement impudique, d'autant plus que cette libido me désarçonne et entame en mon for intérieur un comportement en adéquation.

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant