CHAPITRE 4 : TORTIONNAIRES (5)

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Le portable de Esther ne sonne pas. Visiblement, Morgann n'est pas, définitivement pas, de bonne humeur. Il ne me donnera pas de nouvelles tant que je ne retournerai pas vers lui, et cela joue en ma faveur. S'il ne donne pas de ses nouvelles, cela me laisse le temps d'être sûre de pouvoir masquer cet odeur qui me trahit.

J'enjambe le grillage, me griffant méchamment la jambe sans faire attention.

Je grimace de douleur en me penchant pour regarder. Ça n'a pas l'air bien grave.

-Putain, faut vraiment que Lucas arrête de squatter ici, c'est la pagaille et on galère ! Jure Esther en se tenant à un arbre pour rajuster ses collants par dessus sa robe à froufrous, garnie de dentelle de noir aux extrémités.

Je ris en me redressant puis serre ma masse de cheveux dans une main pour me faire une queue de cheval. À pas de loup, on entre dans la cave par l'ouverture béante aux sol, deux larges portes en bois allongées à nos pieds.

C'est une maison abandonnée alors, la plupart du temps, quand il s'adonnait à ses rituels étranges, il venait ici. Mais ça m'étonne qu'il y reste, il n'avait plus rien à y faire... À moins que...

Mes soupçons se confirment lorsque j'aperçois des paquets de nourriture pour chat à l'entrée, derrière les escaliers.

Lucas émerge de derrière un mur, la mine fatiguée. Il vérifie son téléphone, n'y trouvant pas son bonheur, puis se rabat sur nous.

-Les filles ! Il lance en ouvrant les bras, un sourire collé sur son visage.

Lucas... Lui ne m'attire pas. Non pas qu'il ait un physique repoussant ou quoique ce soit dans le genre, au contraire, il est mignon... Mais c'est un ami. Enfin, je crois, j'espère. Il est plutôt fin, élancé. Il est habituellement bien habillé, mais là, il a l'air exténué dans son survêtement, d'autant plus lorsqu'il s'affale dans son canapé.

-Bienvenue dans mon humble demeure, il proclame en ouvrant une bierre qu'il s'enfile aussitôt.

-T'as l'air décidé à jeter l'argent de papa et maman par la fenêtre, je souligne en évaluant les alentours.

Des paquets de nourriture pour animaux : chiens, chats, oiseaux, jonchent le sol, là où avant traînaient des cierges, autels, et dagues recouvertes de sang séché.

-Vas falloir que tu arrêtes tes conneries, tranche soudain Esther avant de s'approcher de lui pour s'asseoir. Quoique, c'est mieux que de prendre le risque d'attraper le sida avec tes rituels complètement stupides.

Un chat miaule à mon encontre, et je me saisis d'une gamelle qui traîne, la remplie de croquette en la fourrant dans un paquet déjà ouvert avant de la poser devant lui. Je l'écoute manger en le caressant, distraite.

-Tu vois ! Sacha a compris le principe, il raille en se tournant vers Esther qui lui envoie une tape derrière la tête.

Je continue à le caresser, accroupie près de lui, mon coude reposant sur mon genou, quand soudain la raison de ma venue jaillit dans mon esprit.

-C'est vrai ! Je lance avant de me tourner vers eux. Dis Lucas, où sont tes bâtons d'encens ?

Il fronce les sourcils avant de se rappeler :

-Je les ai mis dans le cellier, la porte par là, près des escaliers qui mènent au rez-de-chaussée.

Il me le désigne d'un geste de la main aléatoire, et j'acquiesce en disparaissant.

À tâtons, entre les étagères, je cherche la poignée. C'est un véritable bric-à-brac, tout est encore poussiéreux. Pour un début dans la défense des animaux, il aurait au moins pu envisager un minimum de ménage.

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant