CHAPITRE 3 : PERDITION (7)

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Je tente de me dérober une seconde fois, roulant sur le côté, mais il s'empare de mes mains, ayant prestement baissé son vêtement, puis presse son membre entre mes jambes arquées, me soutirant des gémissements qu'il semble désespéré d'entendre.

-Tu sais... Je pourrais m'en prendre à toi, là maintenant...

Ses larmes coulent le long de mon cou, mais la peur trouve un coin si exposé en moi que je suis certaine d'être une impression de son spectre. Je ne parviens plus à masquer ma crainte, tout en moi se déchaîne, comme s'il avait brisé le seul barrage que je tentais de maintenir pour annihiler ses tourments, y mettre un terme.

-Je pourrais te violer ici, sans que personne ne le sache jamais...

J'éclate en sanglot, littéralement. Il écarte plus allègrement mes jambes, se mettant à pleurer à son tour sans que je ne sache réellement pourquoi. Une soudaine répulsion s'engage dans mon cerveau, face à son corps hideux et monstrueux prêt à m'enlever toute dignité. Irrévérencieux.

-Je pourrais t'utiliser comme je le souhaite, il termine. Je sais que tu y céderais, que tu te soumettrais à moi sans hésitation.

Je pleure car je sais que, quand bien même la situation peut me paraître horrible et odieuse. Quand bien même sa proposition est infâme... complètement abominable... allant à l'encontre totale de mon instinct de survie... quelque part en moi s'allument les signaux de détresse qui me somment d'accepter pour ne jamais avoir à le perdre.

Peut-être qu'après tout, c'est tout ce qu'il souhaite ? Suis-je prête à m'y perdre ? À tout abandonner de moi... à tout lui offrir ?

-Tu vois Sacha, je peux te faire du mal, il se maudit, la voix maintenant pleine de dédain, mais je sais aussi que je pourrais te câliner, te caresser...

Sa main exécute ses dires, passant lentement contre mon cou qu'il presse contre le matelas alors que j'essaye de toutes mes forces de me défaire de lui, puis descend près de mes seins, douces, affectueuses soudain, triturant la protubérance d'une téton érubescent.

-... T'embrasser...

Sa bouche presse la mienne avec la puissance d'une tornade, souhaitant m'y faire participer de force lorsqu'il entrouvre mes lèvres que je pensais pourtant celer du mieux que je le pouvais.

-... Te toucher...

Cette fois, sa main glisse entre nos corps, déclinant vers mes côtes, près de mes hanches, avant de s'imposer, dictatoriale, contre mes lèvres. Il lève son index qui entre en collision directe avec mon clitoris, par dessus mon capuchon, et il l'agace doucement, délicieusement. Les réactions ne se font pas attendre, je me plie en deux, comprimant une plainte de douleur et de plaisir. De tristesse et d'amertume. Comme toujours... il choisit.

-...Te faire l'amour ou te baiser... Il grogne cette fois, le souffle haché, son membre devenant plus dur encore contre mon aine.

Il s'y frotte douloureusement, comme si le seul contact de ma peau pouvait l'aider à se défaire de ce dont il s'encombre lui-même. Une excitation grandissante qu'il s'est infligé seul, tout à coup.
Je me mets à trembler, et cela ne manque pas de lui sauter aux yeux.

-... Mieux que tous ces hommes qui t'ont déjà pris sans même se rendre compte de ta valeur inestimable, il termine enfin, ses yeux tourmentés d'un bleu agité plantés dans les miens, luisants de larmes.

De douloureux pics semblent s'infiltrer dans mon coeur meurtri.

Tout cela... tout cela je le sais déjà ! Comment m'enfuir, maintenant ? Pourquoi m'enfuir, même ! Je suis déjà entièrement, follement, incurablement sienne ! Il pourrait me manipuler à la façon d'un pantin, je pense m'être perdue dans ces deux billes bleues à l'instant même où mes yeux ont su les trouver, alors qu'il n'avait que huit ans ! Mon âme avait déjà posé son ancre maudite dans la sienne, m'y liant à jamais, ou me menaçant de sancir si jamais il venait à disparaître.

Lui, mon phare dans une sombre nuit sans lune.

Lui, mon pilier inflexible qui m'a fait perdre la tête toutes ces années, de nature pourtant si raisonnable.

Je ne parviens à savoir si c'est lui qui me rend folle, ou si c'est moi qui le rend fou... lequel de nous deux a le penchant le plus probable pour l'aliénation ?

Son membre se tasse contre ma cuisse, remontant timidement vers ma féminité moite de désir. Tout mon être se laisse transporter par la sensualité imminente, son corps grand et chaud glissant contre ma peau, brûlant d'appétit. Il se frotte soudain à mon intimité et m'arrache un soupir brutal avant qu'il ne pose son index contre ma lèvre, puis l'enfourne contre ma langue.

-Alors c'est à ça que je les expose...

Ses yeux se perdent derrière ses boucles brunes épaisses, habituellement tirées vers l'arrière.

Il recule, comme pour observer avec minutie ce qui se déroule, et c'est à cet instant, à cet instant précis... qu'il reprend brutalement ses esprits.

Ecrasée sous lui, le visage baigné de larmes, la bouche mordue au sang, son doigt toujours à l'intérieur... il recule dans une secousse, manquant presque de chuter en arrière.

Je me redresse, les jambes maintenant entrouvertes, la culotte baissée, son pull négligemment relevé sur mon ventre... comme une enfant punie.

-Je... Pardonne-moi, il hoquette, les traits affolés, consterné par ses propres atrocités.

Je passe une main sur mon visage.

La peur qui tordait mes boyaux tend alors à se faire la malle, car quand Morgann recouvre ses esprits... Il les recouvre définitivement. Mais je ne veux pas rester. Je ne veux plus.

Dernièrement, plus rien ne va. Depuis que cette Camille est entrée dans nos vies... ou même avant ça ?

Il pose sa main contre sa bouche, passant une main nerveuse dans sa touffe, me révélant enfin combien il est horrifié par la situation inqualifiable... Hideuse ? Laide ? Infecte ? Monstrueuse ?

Il pâlit gravement, ferme sa bouche en passant une main dans sa nuque, secoue légèrement la tête comme pour se dire qu'il est dans un mauvais rêve, que rien de tout cela ne s'est réellement passé, qu'il n'a pas franchi cette limite... or... tout reste irrémédiablement en état lorsqu'il rouvre des yeux brûlants et envahis de peine et d'incertitudes.

-Il faut que tu t'en aille, il ordonne, catégorique, se parant de son masque de marbre.

Indifférent, presque sans pitié si je ne l'avais pas aperçu quelques secondes auparavant.

Je me glisse faiblement hors du lit, toute retournée, ne sachant que faire, où aller...

-Je reviendrai quand tu te seras calmé, j'affirme doucement en enfilant mes chaussettes.

Il claque la porte de la salle de bain lorsqu'il s'y enferme, et ça me fait sursauter.

Je reste assise là quelques minutes, les pensées en pagaille, le cerveau en ébullition, les sens aux aguets. Je ne devrais pas, je n'en ai pas envie, mais lentement... insidieusement, tel un serpent perfide qui s'infiltre sous ma peau, la peur vient me serrer le coeur.

Morgann... Oui... Morgann me fait peur... Morgann est dangereux.

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant