CHAPITRE 5 : VOLUPTÉ (12)

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La situation est redevenue inégale

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La situation est redevenue inégale... Là où je l'ai laissé me manipuler, il a refusé de me laisser l'aider. Près de la porte, les yeux clos, éreintée d'avoir toqué à plusieurs reprises, doucement, pour ne pas le braquer, je l'entends enfin déloger le verrou dans un silence plombant.

Voilà près d'une heure que je reste avachie dans ce coin, et enfin, il me rejoint.

Il ouvre la porte et m'aperçoit, les yeux rougis et baignés de larmes.

Tendrement, alors qu'il s'est paré de son impassibilité placide habituelle, il me prend par la main et m'attire à sa suite sous le drap.

Sa respiration est enfin calmée, comme la mienne. Je renifle, et il me presse contre son torse, dos à lui.

Sa main caresse mon corps, silencieusement, puis l'autre vient se glisser entre mes seins, le poing fermé, sa respiration soufflant contre ma nuque. À la façon d'un secret, il chuchote quelque chose que je ne parviens pas à entendre, à comprendre, tant je somnole. Quasiment persuadée qu'il s'agit d'un rêve, j'en fais abstraction, laissant mes mains se saisir des siennes pour l'enserrer près de moi, être certaine de sa présence... Espérant de tout mon coeur, de toute mon âme que demain sera un jour meilleur... Que l'on construira un nouvel équilibre...

-Pourquoi tu n'essayes jamais de le faire avec moi ? J'ose enfin, pour la première fois, la fatigue me permettant de ne pas réaliser pleinement l'enjeu de la discussion qui s'installe.
Dans mon dos, je sens son doigt tracer ma colonne vertébrale, comme pour la recréer sous sa peau, descendant jusqu'au milieu de mon dos, puis il le presse, l'enfonçant dans ma chair en soufflant :

-Parce que je me connais.

Son autre main quitte son cocon battant pour remonter vers mon visage, qu'il tourne doucement vers lui.

-Moi ce que je veux ce n'est pas quelque chose de sale, répugnant, je voudrais te réserver quelque chose de beau, quelque chose que tu mérites. J'aimerais te faire l'amour. Mais tu sais bien qu'à un moment ou à un autre, mes pulsions prennent le dessus, que lorsque je t'en demande plus, j'en viens à t'en demander trop... Et tout sombre dans l'hideur.

Abasourdie, je rétorque pourtant avec hardiesse :

-Et si j'étais prête à te le donner ?

-Alors ce sera le moment que je haïrai le plus, il s'accable; car je serai bel et bien en train de te manipuler, Sacha... Crois moi, ce que j'ai envie de te faire... Cela ne te plaira pas, il susurre en passant son pouce le long de ma joue que les larmes menacent de noyer.

-Et qu'en sais-tu ? Je continue, tentant par tous les moyens de le persuader.

-Car « je suis bel et bien le seul à te deviner », il chuchote tout bas avec une sorte d'ironie navrée. Mon affection pour toi dépasse largement mon envie pulsionnelle de te faire souffrir.

Les yeux brillants, il pose son front sur mon épaule en me serrant contre lui.

Son « affection »...

J'acquiesce en silence, puis, me résignant à lui avouer une de mes peines, j'admets :

-Tu sais, l'aphorisme : « je veux ce que tout le monde veut, mais je veux que cela ne soit qu'à moi » ne s'applique pas à ma personne.

-Parce que je ne suis pas celui que tout le monde veut ? Il suggère avec douceur.

Je secoue la tête, persuadée que si tous le connaissait réellement sous cette carapace intangible, alors beaucoup l'aimeraient et désireraient me l'accaparer.

-Non, parce que je ne veux pas que tu ne sois qu'à moi, je lui confie en me tournant vers lui.

Il m'accueille dans ses bras réconfortant, son menton sur mon crâne.

-Que veux-tu dire ?

Je relève le regard, embrassant sa mâchoire, mes mains serrant son tee-shirt :

-Ce que je veux, moi, c'est que toi et toi seul aspires, autant que moi, à demeurer à mes côtés. Que tu en fasses un désir irrépressible... alors de cette façon tu comprendrais la terreur qui me lie lorsque tu te détournes de ma face.

Il ne dit rien, nous laissant dans un silence affolant, puis reprend à voix basse :

-Tu as l'air de penser que je ne ressens rien, Sacha, mais tu sais, lorsque nous nous éloignons, tout ce que tu ressens, il affirme paisiblement en remontant sa main contre mes pulsations, je le ressens.

Les larmes me montent aux yeux, consciente qu'il m'avoue enfin, pour de vrai, que toute la détresse que je ressens est réciproque, lorsqu'il n'est pas près de moi. Que lorsque je suis loin de lui... Il se retrouve aussi affligé et brisé que moi.

-Je ne suis qu'un homme...

Et si, moi aussi, j'avais ce même pouvoir destructeur sur lui ? Et si moi aussi... Je lui étais délétère ?

Je ne m'en étais jamais douté.

Il se met à caresser mes cheveux, me laissant m'endormir calmement, enfin débarrassée de tous ces sentiments caustiques, mes cauchemars faisant preuve de parcimonie. À nouveau, il chuchote quelque chose que je ne parviens à saisir, quand bien même je romps ma respiration pour l'entendre, puis le Néant s'abat.

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant