CHAPITRE 2 : DÉMONS (2)

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Mardi

J'éternue à nouveau, ma main écrasant mes lèvres pour camoufler mes microbes, une écharpe enroulée autour du cou.

-Tu n'as pas encore rendu ta copie, je dis à Morgann qui tape sur son smartphone à toute vitesse.

-On va les rendre aujourd'hui, on a TD ce matin.

Je farfouille les recoins de mon canapé pour y sauver mon téléphone perdue entre les coussins, puis recule et percute son épaule, perdue dans mes pensées vivotantes.

-Que se passe-t-il ?

Je me tourne vers lui, la bouche entrouverte, les yeux agrippant son torse pour ne pas lui exposer mon désarroi.

-Je ne sais pas lequel est le plus à redouter, le professeur qui ne sera pas content qu'une fois de plus, je ne lui rende pas le devoir... ou Nils.

Et je me force à sourire en sortant le thermos que ma mère m'a glissé dans la main, attribuant le second à Morgann qui le toise avec une sorte de manque de reconnaissance, d'ignorance, même, de ce dont il peut bien s'agir. Comme si je lui tendais un objet venu tout droit de la planète Mars.

-Tu sais bien que je ne les bois jamais.

-Je sais, elle le sait aussi, mais elle le fait pour te montrer qu'elle ne t'oublie pas.

Il se saisit du thermos sans ajouter quoique ce soit et le fourre dans son sac. On rejoint rapidement la voiture après que ma mère m'ait embrassé sur le front, et on repart en direction de l'Université, alors que je reste confinée dans cet état d'anxiété, la boule au ventre, pleine d'appréhension.

Morgann habite beaucoup plus près que moi de l'Université, aussi, j'ai tout le trajet pour sentir le stress s'accroître et s'emparer de mon corps. Ma gorge se serre de façon impitoyable, prête à me laisser désarçonnée une fois l'heure des explications venue, celles que je me promets d'avoir pour remettre un certain ordre à la situation qui m'échappe.

-Cesse donc de t'inquiéter. Nils reviendra pour que vous ayez une discussion. De tous ceux avec lesquels tu es sortie, c'est le plus mature. Ça se terminera bien.

-Tu crois ?

Mes yeux parcourent chaque arbre qui passe, puis restent grands ouverts sur le feu rouge.

Là, il se tourne vers moi.

-Regarde moi.

Je m'exécute, et encore une fois, comme toujours, son regard ténébreux me fait vaciller sur moi-même. Comment se fait-il qu'il y ait tant d'intensité dans ces deux billes bleus ? C'est comme s'il soufflait sur une bougie bien enfouie dans mon âme, glaçant mon corps entier, net.

-Ça va aller, alors nul besoin de t'alarmer et de t'effondrer en larmes devant lui, tu m'entends ? Cela ne fera qu'ajouter de la matière à Aglae et ses sempiternelles humiliations qu'elles te destinent, comme si elle était rémunérée pour ses idioties.

Son visage est seulement incliné vers moi, rehaussant son adorable paumette de gauche, ses traits lymphatiques et éthérés amplifiés par le premier rayon qui filtre le gaz miteux de l'aurore. Puis il démarre une seconde avant que le feu ne devienne vert. Morgann doit avoir un don, du moins un quelque chose de surnaturel qui expliquerait chaque calcul qu'il entreprend, chaque acte jamais manqué.

Son regard retombe, terne, sur le pavé de route le long duquel nous roulons depuis maintenant plusieurs bonnes minutes.

Enfin, je discerne, de loin, le portail de l'Université. Quelques personnes s'y adossent, fumant calmement, ou riant grassement. D'autres s'empressent de s'y engouffrer pour rejoindre la bibliothèque universitaire, ou rejoindre les amphithéâtres à grandes enjambées. Mon regard pivote pour suivre le mouvement d'une jeune fille qui se rue sur une ami à elle en hissant sa housse dans les airs.

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant