CHAPITRE 2 : DÉMONS (6)

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Une voix féminine, elle rit.

« Tu ne te souviens pas de moi ? ».

Morgann répond :

« A dire vrai, je t'ai reconnu immédiatement. ».

Elle reprend, la voix enjouée :

« Ça fait un bail hein... En primaire t'étais plutôt silencieux, dommage que je sois partie, c'était marrant. ».

« Je n'ai plus trop de souvenir de cette époque. ».

« Ouais... Je comprends. ».

Moment de flottement, et mon coeur bat la chamade. Impossible de prendre sur moi, ma mâchoire est serrée à son maximum, mes mains tremblent sous l'adrénaline qui semble me parcourir. Mon corps entier palpite, je réalise que tout cela prend une ampleur que je n'aurais jamais imaginé et qui ne me plaît pas pour le moins du monde.

« J'ai vu que tu étais avec Sacha. ».

Pas de réponse, il a probablement simplement hoché la tête. Je jette un coup d'oeil aux alentours, une main sur le coeur.

« Ecoute... Je sais que vous êtes super proches tout ça.. ». Ici, un bruit inaudible que je maudis, puis ça reprend : « ...jour tu veux qu'on se voit pour qu'on discute, tout ça, ça pourrait être cool. Comme avant... ».

Un long silence s'ensuit, avant qu'il ne balance l'enregistreur vocal dans son sac, et la fin de la conversation m'est arraché, me laissant figée, l'esprit sclérosé.

Je serre l'appareil électronique dans mes mains, plantant mes ongles dans ma chair.

-Pourquoi maintenant... Je murmure, la rage paralysant mes membres.

Je saute hors de la voiture en éteignant l'enregistreur sans rien supprimer, ferme la portière, la clé ricochant contre le métal, puis revêt une attitude sereine.

À force de trop intérioriser, je vais devenir une véritable bombe à retardement, mais j'imagine que ce n'est pas encore le moment d'aborder ce sujet avec Morgann. Quand bien même il me dirait la vérité, ce n'est pas... dans notre relation, ce genre d'enfantillage de collégien. Après tout, c'est Morgann... Il a très bien pu lui dire non.

En rentrant, la plupart des footeux ont déserté les lieux, bien qu'il en reste une petite partie. J'attrape le plateau posé sur le comptoir, contenant le plat encore chaud du jeune homme qui tenait la chandelle, et m'aperçois, en passant, que le couple s'en est aussi allé.

Je m'excuse en posant le plat devant lui, puis son milkshake.

-Ce n'est rien, Karl l'a posé il n'y a pas longtemps.

Je souris puis vais vers Morgann pour lui tendre le dictaphone. J'observe sa main s'approcher lentement, trop lentement alors que tout ce que j'ai envie de faire c'est de le fracasser à même le sol, et sauter à pieds joints dessus en hurlant.

Il s'en empare enfin.

-Comment va ta mère ?

J'entrouvre la bouche, puis me mords la lèvre avant de lui dire :

-Mal... Je pense dormir à la maison ce soir.

-D'accord, dit lui de prendre la chambre, on dormira dans le salon.

Je hoche la tête :

-Je termine la vaisselle, et je fais quelques rangements, tu peux rentrer en attendant, je suggère en tapant un message à ma mère à toute vitesse.

Le bras de Karl, imposant et lourd sur mes épaules, se manifeste, me hissant hors de ma torpeur.

-Je te la déposerai en sûreté. Tu peux y aller serein.

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant