CHAPITRE 2 : DÉMONS (4)

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Mes cours en amphithéâtre sont ceux que je préfère, car une place de choix me permet de bien apercevoir mon professeur de droit public et, par la même occasion, de passer inaperçue lorsque je le mate, dans la foule d'élèves pressés.

Un port de tête altier, il ne m'a pas l'air moins orgueilleux lorsqu'il s'adresse à nous aujourd'hui, ni même lorsqu'il pointe sa règle vers ceux qu'il considère comme des ''imbéciles'', c'est-à-dire ceux qui ne parviennent pas à répondre à une ''simple'' question; simple selon lui.

Là où Morgann est calme et modéré, le professeur parle avec entrain, presque même passion. Je crois que c'est de là qu'il me plaît. Je ne suis pas très « demi-mesure ».

Il est souvent cravaté, en pantalon à pince, et simple chemise blanche. Ou alors ce sera un polo, et un bermuda en été.

Aujourd'hui c'est un polo blanc, et un bermuda bleu accompagnés de mocassins. En entrant, il pose son sac contre le bureau, et sors des feuilles, puis il entame son discours.

-Allume ton enregistreur, tu n'es pas concentrée, me conseille Morgann.

J'enclenche le dictaphone, et l'heure s'étiole. Je reste étonnement concentrée, le regard fixé sur chacun de ses mouvements, écoutant le foot de paroles interminable qui quitte ses lèvres, puis j'observe Morgann qui, du coin de l'œil, jette des regards à une jeune fille vers la droite, sur la même rangée que nous; et c'est là que le sentiment destructeur que, dans un premier temps, je ne parviens pas à deviner, vient saccager mon être entier.

Morgann en train de zieuter une jeune fille, c'est comme Morgann qui ment : inconcevable.

Je me contente de l'observer, maintenant totalement accaparée par l'incompréhension qui découle de son action, répétitive qui plus est. Mon cœur se désagrège douloureusement, et j'ai cette affreuse sensation d'effectuer une chute libre sans accroche, sans secours.

Je l'observe, tranquillement, sans se soucier de quiconque peut le surprendre, regarder dans sa direction, puis prendre quelques notes. Je tourne rapidement le regard, blessée, meurtrie, me concentrant sur mes doigts encore écorchés de ma folie d'hier, maintenant tremblants d'une peur qui fait cadencer mon rythme cardiaque.

Juste à ce moment-là, un homme entre, glisse quelques mots à l'oreille de monsieur Lévi, puis le regard du professeur fraîchement arrivé vogue sur la classe avant de poser son ancre dans le mien.

-Sacha Praats ?

J'acquiesce, prise au dépourvue. Évidemment qu'il m'a reconnu...

-Prenez vos affaires et suivez-moi.

Je souffle en fermant les yeux, puis glisse mon enregistreur près de Morgann.

-Tu me le ramèneras.

J'attrape mes feuilles rapidement, les fourre dans mon sac, puis traverse la salle sous le regard de tous les étudiants, ainsi que celui de monsieur Lévi.

Il ne reprend son cours qu'une fois la porte fermée.

Je suis le professeur jusque dans un bureau où il m'entraîne. Je le reconnais, c'est un professeur que j'ai eu l'année dernière : Monsieur Adiatou.

Il m'invite à m'asseoir sur un fauteuil vert, puis fait claquer sa langue d'un air réprobateur.

-Mademoiselle Praats... J'imagine que vous savez pourquoi vous êtes ici.

J'hésite, puis tisse un sourire pincé avant de tenter :

-Pour mes bons résultats...?

Il secoue la tête, l'air contrit en se pinçant l'arrête du nez. C'est lui qui est intervenu pendant la bagarre d'hier, que je regrette amèrement maintenant.

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant