CHAPITRE 4 : TORTIONNAIRES (8)

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On opère le trajet vers le Diner's sans accroc. Je fixe les gouttes couler le long de la fenêtre, poursuivant leur trajectoire du bout du doigt contre la vitre fraîche, ayant enfin passé mes bras dans les larges manches. C'est vrai qu'il fait froid, une chance que Morgann m'ait amené sa veste.

Je suis constamment habillée de ses habits, là où lui mange ma nourriture. Nils n'avait peut-être pas tort... On est un duo bizarre.

Le Diner's apparaît pile au moment où j'en avais besoin, pour éviter de penser à mon ex. J'aperçois l'enseigne en néon se placarder contre la vitre, et me tourne vers l'émanation de lumière. Comme je le redoutais, avec le match de ce soir, il y a encore du monde.

Morgann semble réellement hésiter à aller à la représentation, mais j'ai l'impression que c'est une bonne idée. Après tout, je ne pourrai pas l'enclaver éternellement à moi par pur égoïsme... Et peur.

Je l'aime, et c'est le moment de me le prouver... à moi-même.

-Tu sais quoi, tu devrais y aller dès maintenant, comme ça vous pourrez discuter avant qu'elle ne monte sur scène. Vu ta tête, ça diminuera son tracas.

-Je ne pense pas que...

-C'est bon, ça ira, j'assure en ouvrant la portière.

Je lui ai coupé la parole, et ça a l'habitude de le mettre en colère, si bien que je me penche pour m'excuser, les pieds au sol, le corps à moitié dans la voiture...

Et sa bouche s'abat sur la mienne.

Rapidement, en un éclair, si bien que je n'ai même pas compris ce qu'il se passait avant qu'il ne recule.

-Si tu savais comme j'ai envie de t'embrasser, il chuchote, les yeux fous. Je préfère me retenir avant de te sentir près de moi, mais portant sur toi l'arôme d'un homme nouveau, encore, certain qu'il se trouvera dans cet essaim, là-bas...

Ses mots en disent plus que les actes qu'ils me réservent, alors qu'il se tourne vers les baies vitrées. Je cligne rapidement des yeux, portant ma main à ma bouche pour me délecter des vestiges apposés comme la poussière d'une pierre précieuse que je souhaite garder contre mes lèvres... Puis il se retourne et je la plaque contre mon corps.

-À tout à l'heure, je lance en fermant la portière.

Je recule pour l'observer s'en aller, devinant son regard dans le rétroviseur pour être sûr que je rentre saine et sauve dans le Diner's.

J'entame mon service dans le désordre. Ma tête est dans un affolement constant, me ressassant ce baiser chaste qui m'a valu une surprise de longue durée. Là encore, même lorsque je lance les commandes, je ne m'en remets pas réellement. Ses marques d'affection sont si imprévisibles que parfois... parfois ça me laisse dans un état de stupéfaction constante. Probablement et surtout car celui-ci était fait dans la hâte, pas réellement prévu.

Je ne doute pas de l'amour que Morgann me porte, ou du moins, de son affection... Non, ce qui m'étonnerait, c'est qu'il m'aime autant que je l'aime.

Autant.

Car il est si ardu de le deviner, que je n'ai aucune mince idée de ce qu'il éprouve réellement à mon égard. Je devrais me contenter de ce ballet, cette reconnaissance entre nos deux âmes blessées... Mais c'est plus que cela pour moi, quand bien même ce sentiment l'effraie.

Je parle avec Stan, me fait bousculer dans la cohue, puis prend la suite de Karl lorsqu'il s'en va, plus tôt, comme il nous avait prévenu.

La chaleur de la plaque à snaker me fait transpirer, mais j'envoie les commandes à temps, sans traîner, et Ophélie semble prête à s'en occuper aujourd'hui. Sa jambe semble moins la lancer qu'habituellement, alors elle a décidé de faire la serveuse.

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant