AUDREY

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Enfant, Morgann revêtait déjà cet aspect inquiétant qui me faisait frémir, lorsque je le voyais qui s'approchait à toute vitesse de Sacha alors que je la déposais à l'école. Je l'apercevais qui rabattait son grand sac contre son petit corps, retrouvant un semblant de vie qui me confortait en l'idée qu'au moins, malgré ses bizarreries, il s'était attaché à ma fille.

Lorsqu'adolescent, je les avais surpris qui s'embrassaient contre l'auto après l'une de nos énièmes disputes avec Sacha, lui qui tentait maladroitement de la garder contre son torse en l'encadrant de ses larges bras alors qu'elle criait à tue-tête en se débattant qu'elle voulait aller « au lac », je me demandais déjà si quelque chose ne clochait pas.

Mes réflexions autour de Morgann se déroulèrent en trois temps, et tout commença le jour où j'appris les véritables raisons de son étrangeté :

En fin de troisième.

Sacha était à double tranchant, à cette époque, car autant elle l'attirait à elle sans cesse, liée d'une terreur alarmante lorsqu'elle ne le voyait plus, autant elle le rejetait avec une haine farouche une fois qu'il était dans ses pattes... Et lui n'abandonna jamais, ne lui reprocha rien, gardait ce silence inquiétant.

Elle l'appelait souvent la nuit, dormant seule. Elle pleurait dans les toilettes lorsqu'il ne venait pas la chercher pour qu'ils aillent à l'école, et c'est au marché que je saisis un jour pourquoi.

Il y avait cette femme aigrie qui vendait des fruits et légumes, qui le toisa lorsqu'il passa sur le trottoir d'en face, accompagné de ma fille qu'il glissa de l'autre côté pour se positionner, lui, plus au bord. Il avait grandi, sans que je ne m'en aperçoive réellement, un peu comme Sacha.

Aucun des deux ne me vit ce jour-là, et moi, je ne les interpellai pas.

-Regarde-le, il a le même visage que son père, chuchota la marchande à sa voisine, une grande femme à l'air revêche qui réorganisait ses oranges.

J'approchai, m'enquérant de ce que deux femmes ennuyées pouvaient bien avoir à raconter sur Morgann. Après tout, je ne savais rien de lui. Je ne m'en étais jamais souciée. Il m'avait l'air digne de confiance par son tempérament calme et réfléchi. Et puis, quand bien même ça faisait longtemps que nous avions emménagé ici, je ne m'étais pas fait beaucoup d'amies...

-Il deviendra comme lui. Il en a déjà l'air. Qui nous dit qu'il la frappe pas, la fille avec qui il traîne ?

L'autre souffla alors que mes poils se hérissèrent. La fille en question, c'était la mienne, mais je ne dis rien, faisant mine de presser les oranges pour en déterminer la maturité, emmagasinant les informations.

-Je l'ai déjà prévenu la gamine. Elle a pas voulu écouter, faudra pas s'étonner.

Je serrai les dents lorsqu'elle soupira excessivement.

-Il a une tête de tueur psychopathe.

C'en fut trop. J'ai tourné les talons et suis rentrée chez moi.

À cette époque, je ne le rencontrais que lorsqu'ils allaient en cours. Il ne commença à trouver refuge auprès de nous qu'une fois que j'eus discuté de ce que j'avais apprit avec Sacha, avant le début des vacances.

Morgann vivait avec souffrance depuis je-ne-sais-combien de temps, probablement comme Sacha... Mais il me la volait constamment. Il me l'arrachait et moi... Moi je me retrouvais sans personne. Moi j'agonisais en silence dans mon coin, la laissant, l'abandonnant près de lui dont je ne savais rien !

Tout déchanta durant une longue période où je demeurais muette :

Pendant les grandes vacances.

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant