CHAPITRE PREMIER : DÉCADENCE (4)

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On traverse les couloirs en silence tandis que je les pose sur mon nez, et il me traîne jusqu'aux tables, entreposées par rangées dehors, sous une verdure frappée d'un soleil qui propage une chaleur radiante.

-Dis, Nils, tu crois que Morgann pourrait être gay ? Je demande, à brûle-pourpoint. C'est un truc que vous les gars vous sentez, non ?

Il paraît étonné, alors qu'il sort de son sac une canette. Mon pied joue dans l'herbe, courbant les herbes de part et d'autres, m'amusant à compter les fourmis qui sinuent entre chaque tige.

-Pourquoi tu me demandes ça ?

Il n'a pas l'air de mal prendre mon questionnement malgré les problèmes précédents. C'est ce que j'apprécie chez lui... Il n'est pas du tout rancunier, quand bien même son égo semble pouvoir être blessé par mes sempiternelles maladresses. Parfois, je me demande même s'il ne fait pas cela pour me garder près de lui... mais alors ça me paraît trop présomptueux, et je cesse de me questionner, mettant ce comble sur une personnalité inusuelle de nos jours.

-Je n'ose pas lui demander, il va s'énerver.

-Ce qui est sûr, c'est que s'il l'était, il ne serait pas passif, il se marre.

Je frémis, l'imaginant en action. Luisant de sueur, dans l'effort, chevauchant avec ardeur un jeune homme moins habile. Et je secoue la tête pour chasser ces pensées de ma tête en me recentrant sur Nils.

-Mais je ne pense pas, il finit par souffler, ouvrant sa canette qui émet un son en décochant le cache métallique.

Je hausse les épaules, puis me penche sur la table, vers lui, les seins en évidence de par les quelques boutons que j'ai fini par déboutonner.

-On va faire quoi ce soir ? Je souris.

Il sourit à son tour, alors que j'aperçois sa pomme d'Adam couler vers le haut avant de redescendre, puis il pose sa canette, s'approche de moi, et fourre sa langue dans ma bouche avant de se rasseoir.

-On commencera par ça.

Je m'étire sur la table, puis allonge mes bras contre celle-ci.

-Et ensuite !

Là, Aglae débarque. Sa mine sournoise se renfrogne. Je l'ai toujours suspectée d'avoir un faible pour Nils, notamment vu que ses attaques deviennent de plus en plus fréquentes depuis le début de notre relation.

-Y'a des chambres pour faire vos conneries, vous foutez la gerbe à vous bécoter en public, elle assène en passant près de nous.

-Tu ferais mieux de la fermer, Aglae, je ne suis pas d'humeur, je l'avise

Elle s'arrête alors face à moi, puis me toise, hautaine, en posant son plateau sur notre table, visiblement prête à en découdre. Des traits séraphiques se contorsionnent en un masque hideux de revanche.

-Sinon quoi ? Nils viendra à ta rescousse ? Pauvre petit bichon.

-Je n'ai pas besoin de Nils pour ce que je te réserve.

Je me redresse, m'étire à nouveau, puis enlève les lunettes de soleil que j'ai volé à ce dernier. Elle se dévoile à moi sans cette teinte verdâtre que m'impose les verres, ses sourcils gracieux froncés, s'emportant en lançant une main en l'air.

-Oh, ferme là avec tes menaces Sacha. On le sait que tu es une sauvageonne indisciplinée, et que Morgann te sert littéralement de maître dans ce qu'on appelle l'Université.

-Si ça t'enchante.

Je tente le tout pour le tout de contrôler ma colère, étant donné qu'il s'agit de ce dont Morgann m'a exhorté avant qu'il ne s'en aille, mais mes mains tremblent, et mon corps entier bouillonne et se tend. Sous mes pieds, l'herbe se tasse plus durement, je vais même jusqu'à écraser une des fourmis, une miette d'un sandwich entre les pattes, minuscule petit insecte sans défense.

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant