CHAPITRE 6 : DESTRUCTION (3)

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Les oiseaux piaillent plus fort, tandis que je lève la main vers le plafond.

-Tu penses que, de Saturne, on apercevrait distinctement ses anneaux ?

Morgann me fixe, un oeil au beurre noir entourant son iris azurée de droite, puis il palpe mon visage de sa main en hochant doucement la tête. Ses doigts délimitent mes traits, flegmes... Il le fait à chaque fois, trop souvent, comme pour mémoriser mes contours, ou être certain de me recréer fidèlement je-ne-sais-où.

-Je suis certain que oui, mais les anneaux sont composés de glace et de poussière, alors j'imagine qu'ils ne ressembleraient pas réellement à des anneaux.

Je souris, me tourne vers lui en saisissant ses mains.

-Alors... On pourrait s'y allonger et les contempler.

Les commissures de ses lèvres se rehausse adorablement, imperceptiblement, alors qu'il reprend doucement, une lueur amusée tapie au fond de ses pupilles :

-C'est une planète gazeuse. On ne pourrait même pas y marcher.

Je me pince les lèvres, puis réfléchis en me retournant vers le plafond tandis qu'il reste allongé sur le côté, cramponné à mon corps, ses mains me serrant contre lui, contre son corps immense et robuste dont la respiration me berce, sa main errant le long des délimitations de mon visage.

-Bien... Mais si on savait voler ?

À nouveau, ses lèvres se meuvent dans le calme le plus total, et mon petit coeur chevrotant tend ses bras vers le sien pour l'enserrer à jamais, et le garder près de moi pour toujours.

Pour toujours.

-J'imagine, oui... Il souffle.

Je renifle péniblement en me tournant vers lui, tandis qu'il passe ses mains le long de mes cuisses.

-Je t'amène à l'esthéticienne ?

J'avais complètement oublié ce rendez-vous. Mes traits s'affaissent, on est si bien là, lui et moi... Loin de tous. Je n'ai pas envie de m'en aller.

Je saisis ses mains que je porte à ma bouche, puis les posent contre mes lèvres en réclamant :

-Amène moi sur Saturne.

Son regard reste impassible cette fois-ci, et il presse ma joue de la sienne, à nouveau, comme toujours, comme je l'aime...

-Je suis sûr que si tu fermes les yeux...

Il se déplace paisiblement, se campe au-dessus de moi, son grand corps faisant face au mien, à quatre pattes.

-Et que tu l'imagines...

Je clos les paupières, le sourire aux lèvres.

-Tu pourrais y être dans l'instant.

J'inspire à fond, le corps en émoi, si petit sous le sien qui me garde captive loin de ce monde de brute qui m'horrifie. Il se penche, je sens sa respiration escalader mes clavicules, me faisant déchanter et m'envoler droit vers cette planète convoitée.

Il va perdre les pédales, à nouveau... Et on va s'enfoncer dans cette géhenne effrayante, ou s'embraser dans un clappement de doigt, pour la dernière fois.

-Saturne tourne très rapidement. Tu serais entourée de plusieurs couches de gaz constantes. Le climat peut y être très violent, car, tous les trente ans... Il y a cette tempête géante appelée « grande tâche blanche ».

Je saisis son tee-shirt entre mes mains tremblantes d'un danger inexistant.

-Tu serais là, n'est-ce pas ?

BIG BANG - Mon mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant