Partie 16

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Ce soir Benoît nous a proposé un afterwork au Palatzium, un rooftop très branché que tient un ami gay à lui. Dress code oblige, j'ai opté pour une paire de collants noirs assortis à la ceinture de ma robe en tweed grise. Le côté asymétrique de la robe met les jambes en valeur et les gros boutons noirs sous la ceinture donne un aspect un peu plus chic.

Ayant deux heures de retard et aucune nouvelle de mes compagnons, je monte les marches non sans une certaine appréhension. Au sommet des marches je suis stoppée net par deux bodybuildeurs tout en noir,oreillettes pendantes. Les bras croisés ils me dévisagent de haut en bas.

-Invitation ? me demande l'un des gorilles à peine aimable.

Je le regarde interloquée.

-Je...une invitation ? Depuis quand ? Je répond légèrement agacée. Le bar est réputé huppé mais de là à ce que les entrées soient filtrées...

Le deuxième me désigne avec ses gros doigts une pancarte « soirée privée ». Et mince c'est bien ma veine ! Il me décale légèrement sur le côté comme si je ne pesais rien pour laisser passer un couple très gratiné. Je serre les dents et farfouille dans ma pochette à la recherche de mon téléphone. Trois messages en absence et quatre appels manqués.


Benoît

19h02

Où es-tu ma chérie? On n'attend plus que toi! Faut pas louper ça,c'est la soirée de l'année !


Lucie

19h17

Mais qu'est-ce que tu fous ? Soirée de MALAAADDEEE ici !!


Lucie

19h23

Remballe ton leggings et tes baskets et rapplique ton cul immédiatement !


Je tente de joindre mes amis...en vain. J'échoue à chaque fois sur leurs répondeurs. Je lève la tête et tente d'apercevoir quelque chose derrière ces deux grosses barriques. Lumières tamisées,échos lyriques et harpe en fond sonore. Un plateau en hauteur transporte une serveuse très peu vêtue qui sert des jarres de vins aux coupes qui se tendent. Des femmes couvertes de bijoux étincelants se pavanent fièrement au bras de costumes trois pièces. Mon champ de vision se rétrécit lorsque les deux barriques se serrent et me toisent de toute leur hauteur. Après ce bref aperçu de la soirée mondaine je ne m'étonne pas de ne pas y avoir accès. La sélection se fait au porte feuille.

-Mes amis sont ici, je leur indique en pointant l'endroit le plus bondé, le bar très certainement.

Ils rigolent grassement en me dévisageant encore.

-Pas de carton, pas de soirée, tonnent-ils. Maintenant dégagez! Vous nous faites perdre notre temps.

-Quel accueil chaleureux ! je peste.

-Que se passe-t-il ici ? Nous surprend une voix guillerette.

Les deux vigiles s'écartent respectueusement pour laisser passer un grand brun atypique dans son costume à fleurs dorées. Il boit au goulot une bouteille de champagne avant d'essuyer sa barbe brune.Drôle de manières ces riches. Ses yeux pétillants se posent surmoi.

-Des ennuis par ici ? demande-t-il de sa voix toujours mutine en se penchant vers moi. Un large sourire illumine son visage.

-La situation est sous contrôle monsieur,répond un gorille. Le brun se tourne lentement vers lui. Son sourire se fige.

-Je ne vous posais pas la question bande d'abrutis, grince-t-il.

Visages crispés. Mutisme soudain. Je devine rapidement qu'ils ne peuvent broncher mot car ils ont à faire à leur supérieur. Malgré leur manque de courtoisie je ressens un peu de peine pour eux. Je n'ai jamais apprécié ceux qui abusaient de leur rang pour parler aux autres comme à des moins que rien.

Son visage se tourne à nouveau vers moi et semble attendre ma réponse.

-Je...Je suis désolée je ne savais pas que c'était une soirée privée, mon ami Benoît m'a proposé de venir, mais si j'avais s...

-Ahhh Benoooîîîît !! s'écrie-t-il avec une voix suraiguë.Mon chou venez avec moi, les amis de Benoît sont mes amis. Il passe une main sous mon bras, dégage les deux brutes du passage et m'entraîne à l'intérieur. Mes yeux s'écarquillent de stupéfaction face à ce lieu hors du commun. Tout est illuminé de lumières bleues et dorées. Des voiles blanches descendent le long de colonnes. Des serveuses en tenues aphrodites passent avec des mini fours. Une petite scène sur laquelle joue le groupe de musique lyrique est éclairée par des sphères blanches.


-Vous en voulez ma chérie ? me propose l'homme en me tendant sa bouteille de champagne.

Je secoue la tête.

-Appelez-moi Dionny. Je m'excuse pour ces manières rustres, le personnel de nos jours n'est plus ce qu'il était...soupire-t-il avant de se reprendre plus joyeusement. Ce soir c'est open bar,prenez tout ce qui vous fera plaisir. Qu'importe le flacon,pourvu qu'on ait l'ivresse ! Pasteur disait qu'il y avait plus de philosophie dans une bouteille de vin que dans tous les livres. Ce soir buvez du vin! s'écrie-t-il en attrapant deux coupes sur le plateau de la serveuse dévêtue.

Il m'en offre une, fait entrechoquer nos verres et avale le sien cul sec.


Séduite par la joie de vivre de ce personnage haut en couleurs et en fleurs,je lui renvoie son sourire et succombe à ce doux nectar fruité.Après tout il n'y a pas de mal à faire la fête. Je n'aurai peut-être pas d'autre occasion d'assister à une soirée pareille puis je suis venue à pieds alors...

A mesure que nous nous approchons du bar extérieur, je repère mon ami Benoît entouré d'hommes. Nulle trace de Lucie. Diony signale notre arrivée par une tape affectueuse sur les fesses de mon ami. Celui pousse un cri et se retourne vers nous, la mine faussement offusquée.Le patron rigole avant de se pencher sur sa pinte et de lui la siffler.

-Ma chérie on ne t'attendait plus ! s'écrit-il gaiement. Mais je vois que tu étais en charmante compagnie,susurre-t-il en tripotant la veste fleurie.

-J'ai trouvé cette petite tigresse à l'entrée. Elle terrifiait les deux vigiles. Je me suis dit qu'un remontant devrait la détendre.

Pendant que l'homme atypique contourne le bar je me tourne vers Benoît.

-Désolée, mon téléphone était sur silencieux. Je ne vois pas Lucie?

-Tu les as manqué de peu mon chou, s'attriste mon compagnon.

Le patron saisit un grand millésime, fait péter le bouchon, et remplit trois coupes.

-Buvez à ma santé jeunes gens, s'écrie-t-il en levant son verre.

Soudain une déferlante de chaleur explose sur le bar qui prend feu. Chaque personne lève son verre et le vide cul sec en criant « Dionysos dieu de toutes les ivresses ».


Merci aux personnes qui lisent mon histoire et qui l'ont mise dans leur liste de lecture. J'ai souvent commencé à écrire pour moi, pour vider ce que j'avais dans la tête sans jamais oser le montrer. Ici, j'ai décidé de me lancer et coucher "sur le papier" ces pensées sans avoir idée de ce que ça vaut, histoire de me contraindre à aller jusqu'au bout.  Merci à vous :-)


ArèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant