A l'instar des autres soldats l asiatique tourne le dos à la sortie. Nous lui emboîtons le pas et nous dirigeons vers le fond de l arène. Une petite porte en pierre taillée dans la roche m'apparaît alors pour la première fois.
L'homme la pousse non sans difficultés et entre dans l'obscurité. D'un hochement de tête Rassan m'encourage à en faire autant et à tâtons je pénètre à mon tour. Le noir m'accueille dans une bulle insonorisée. Un torse me percute et une main me retient à l abdomen m'empêchant de tomber en avant. La porte se referme lourdement. La main qui me retient glisse le long de mon bras en une douce caresse jusqu'à mes doigts pour les guider contre la paroi humide. À tâtons et pas après pas je progresse tout en sentant mes arrières assurés. Puis dans un cri étranglé mon pied rencontre le vide. La main me retient et y prenant appui, je descend ce qui semble être une première marche.
-un escalier , chuchoté-je.
La prise se resserre m'insufflant le courage de poursuivre. Marche après marche je m'enfonce dans l'obscurité. Une torche s'embrase lorsque je termine ma descente, dessinant un chemin dans la galerie souterraine. La chaleur et la lumière nous ont déserté et c est dans un silence inquiétant que nous poursuivons notre chemin, ne comprenant là où on veut nous emmener. Je manque de rentrer dans l'asiatique qui s est arrêté brusquement. Il suspend sa torche au mur et s immisce dans une fente de la paroi rocheuse. De l autre côté, notre entrée est saluée par des dizaines de flambeaux qui s embrasent formant un cercle autour de nous. Pourtant loin d'être claustrophobe la hauteur sous la voûte indiquant que nous nous situons à une bonne dizaine de mètres sous la surface de la terre ne me ravissait pas. Fort heureusement, mon attention se reporte sur une multitude de rayons luminescents qui se réveillent, dessinant une fresque sur la roche. Pas une fresque...une histoire... Je m'approche fascinée, hypnotisée. Mes doigts caressent les lignes des dessins comme s ils parcouraient les pages d'un livre.
Ils suivent les contours lumineux d'un soldat qui brandit son bras vers les cieux. Devant lui, la terre s'ouvre en deux, libérant un oiseau de feu. Une flamme se dégage de la fente dessinée dans la roche, rendant la scène des plus réaliste et perceptible. La créature s'élance vers le ciel comme réveillée par cet appel. Plus loin, le soldat chevauche le phénix. Dans un dessin époustouflant, la lumière argentée et le feu se fondent harmonieusement dans une même direction. Tous deux survolent le brasier des enfers où des mains se tendent pour les attraper. La lame du soldat, pointée droit devant, charge en direction d'un immense démon noir au sommet d'une montagne de cadavres qu'il piétine. A l'instar des deux autres gravures dont la lumière s'échappent de la roche, celle du géant s'y enfonce, noircissant le tableau et ne me permettant pas de découvrir son visage. Soudain deux iris blanches s'ouvrent, du sang se met à couler depuis ce qui semblent être les commissures de ses lèvres. Il se déverse sur les corps minuscules et inertes sous ses pieds.
C'est alors que m'apparaissent pour la première fois, d'autres corps qui assistent à toute la scène, courbés comme par soumission devant ce dieu du Tartare. Hadès? Je secoue la tête, impossible. Parmi les corps au sol, le trident, la foudre et un casque transparent échouaient, ainsi que de nombreuses autres épées. Les dieux auraient-ils péri ici? Mes sourcils se froncent d'incompréhension. La scène s'arrêtait là, il n'y avait rien d'autre. Que devais-je comprendre? Pourquoi me montrer cela? Je me retourne chamboulée par cette fresque.
Rassan me dévisageait une lueur indéchiffrable dans le regard, alors que moi je cherchais des réponses dans celui de l'asiatique.
- Qu'en penses-tu? me surprend-il, décidé à ne pas m'éclairer.
- Que...je...? les mots ne parvenant pas à s'aligner tellement je reste surprise par sa question.
Il s'avance alors posant à son tour le doigt sur le soldat luminescent.
- je ne comprends pas , murmuré-je du bout des lèvres .
- longtemps il y a, Gaia, la déesse mère s'unit à Ouranos. Ensemble ils enfantèrent les Hécatonchires, les Cyclopes et les Titans. Craignant d être renversé, Ouranos emprisonna ses enfants dans le Tartare. Mais un soir alors qu il se coucha près de sa tendre, Cronos, l'un des Titans, décidé à se venger, émascula son père. Il libéra ses frères et ensemble ils renversèrent Ouranos. Le titre de maître du monde et de cieux obtenu, Cronos renvoya ses frères dans le Tartare, de peur qu'il ne soient dangereux pour lui. On raconte qu'à cette époque, les premiers hommes apparurent et connurent l'âge d'or. Ils vivaient dans la profusion, sans possession quelconque. Cependant, un oracle prédit qu'un jour il serait lui aussi détrôné par un de ses propres fils. Pour éviter que cette prophétie se réalise, Cronos avala ses enfants dès que Rhéa leur donnait naissance. Rhéa, décida donc de protéger le prochain enfant pour que son mari ne puisse le dévorer. À nouveau enceinte, elle se réfugia en Crète et mit au monde son dernier-né, Zeus. Elle mit au point une ruse pour faire croire à Cronos qu'il avait bien avalé l'enfant : elle donna à son mari une grosse pierre enveloppée de langes qui laissa à penser qu'il s'agissait de Zeus. Devenu adulte, Zeus se révolta contre la tyrannie de son père. Il demanda tout d'abord à l'Océanide Métis de l'aider ; celle-ci fit avaler à Cronos un puissant vomitif et ce dernier se mit à recracher d'abord la pierre puis les enfants qu'il avait avalés. Ensuite, avec l'aide de ses frères, Zeus engagea et gagna la Titanomachie, la guerre contre Cronos et les Titans qui lui étaient restés fidèles. Durant cette guerre, Zeus sauva également les Hécatonchires et les Cyclopes, toujours détenus dans le Tartare. Reconnaissants de cette délivrance, les Cyclopes lui fournirent le foudre qui lui permit entre autres de gagner cette guerre.
Après sa victoire, Zeus se partagea le monde avec ses frères comme nous le connaissons. Cronos et ses frères furent envoyés dans le Tartare.
Forte de ces explications je pose un nouveau regard sur la fresque. Le monstre ne pouvait être que Cronos marchant sur les armes des enfants qu'il avait dévorés, les spectateurs: ses frères prisonniers du Tartare. Quelque chose clochait cependant. Les armes avaient été conçues plus tard. Ce soldat chevauchant le phénix n'était pas mentionné dans cette Histoire. Dès lors, cette fresque appartenait elle au passé ou prédisait-elle un avenir ?
- Des fresques ont été découvertes en Épire, dans la maison d'Hadès, ajouta-t-il me devançant.
Suspendue à ses lèvres, j'attends la suite de l'histoire, qui allait, je le pressentais m'apporter la réponse.
- De nouveau les portes du Tartare s'ouvriront et les pires monstres de la fosse reviendront à la vie. Chaos sur Terre renaîtra des flammes de l'enfer. Une lutte comme jamais les cieux n'ont connu ébranlera les royaumes divins, jusqu à n'être plus de ceux qu'on aura connu.
Un long silence suivit ce flot...d'informations- il m'est étrange de les nommer ainsi. Je les assimilais et réalisais soudain que j'avais basculé. Non pas là tout de suite. Non j'avais basculé dans ce monde que je repoussais il y a quelque temps me persuadant que j'étais folle, que j'allais me réveiller, devant les preuves qui s'accumulaient pourtant sous mes yeux. Mais étais-je encore prête à croire qu'une guerre divine se préparait et ébranlerait mon monde ainsi que celui que j'avais eu du mal à accepter?
- Quand ? jeta simplement, efficacement, une voix grave dont j avais oublié la présence.
Mes yeux se tournent vers lui, perdus, tâchant de lire sur son beau visage une quelconque réponse. Pour lui ce n était aucune question de temps. A aucun moment il ne remettait en cause la véracité de cette prophétie.
L'Asiatique se tourne vers moi.
- ça a déjà commencé...
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Arès
Paranormal« Laissez entrer le passé, ouvrez une parenthèse dans le présent, préparez-vous à écrire votre futur ». Or Thalya a tout oublié. Un traumatisme lui bloque l'accès à ses souvenirs. La nuit, d'étranges rêves ou souvenirs du passé viennent la hanter...