Partie 33

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Si les séquelles de ma nuit peuplée de cauchemars ne passent inaperçues, Léandre n'émet le moindre commentaire quant à mes cernes et mon teint blafard. Les visions d'enfants torturés, brûlés, de terres rouges sang et de démons venus de l'enfer ont du mal à déserter mon esprit. C'est d'une oreille distraite que j'écoute mon compagnon. - Et donc là ils font démonstration de leur potentiel. C'est comme ça qu'ils sont repérés pour intégrer les élites.J'atterris sur terre- si je peux encore dire ainsi- et mes oreilles se réacclimatent peu à peu à la musique lyrique et euphorique du marché immortel. La beauté et l'excentricité de ce lieu ne cessera jamais de forcer mon admiration. On est encore tôt et la place est pleine à craquer. Les gens se bousculent, semble-t-il pour rejoindre un grand chapiteau. Léandre joue des coudes pour nous permettre de nous faufiler entre les badauds très excités qui brandissent des liasses de billets. Je lève un regard interrogateur vers mon nouvel ami qui me pointe à travers la foule, devant un immense chapiteau orné de voiles carmins deux gladiateurs tout en sueurs. Un rétiaire armé d'un trident et d'un filet sur l'épaule pare les attaques d'un redoutable adversaire qui me tourne le dos. Tous deux s'affrontent dans un ballet frénétique de coups et de parades agiles. Le crissement des lames retentit à nos oreilles et tout s'enchaîne. Le casque du second tombe à terre, dévoilant une crinière châtain foncée ainsi que des yeux d'un bleu limpide contrastant avec sa peau halée. La tête penchée arrière dans esquive un coups et nos regards se croisent le temps d'un instant. Je jette un œil affolé au trident lancé en direction de la gorge déployée. Je surprends un clin d'œil, le temps que le second ne renverse la situation à son avantage en capturant le filet de son assaillant, le retourne contre lui et l'enrubanne avec. Tel un paquet cadeau, il le livre, genoux ployés face aux tentes. Un nom est prononcé, celui du vainqueur.

 -Rassan, scande la foule en délire.                                                                                                                         Une grande ferveur s'empare de tous et les billets passent de main en main.Le héros quant à lui est pris en charge par de charmantes hôtesses aussi peu vêtues que la veille au soir, le temps qu'un nouveau duel commence.

 - C'est là que les enchères commencent, commente Léandre en pointant du doigt le chapiteau ou soldats et riches marchands se lancent en débats animés. Les meilleurs sont souvent recrutés parmi les élites où ils deviennent instructeurs et vivent mieux que la plupart d'entre nous ou en missions très spéciales dont nous n'entendons pas parler.

Un cor retentit, ne semblant ébranlé que nous

.- C'est le signal, m'avertit le grand blond.

Il se tourne vers moi et replace mon châle beige autour de mon visage.

- Souviens-toi, les femmes ne sont pas autorisées sur le camp, baisse la tête et suis moi.

 Il s'empare de ma valise qu'il jette sur son dos et m'entraîne par la main loin des stands. La tête baissée sur les dalles en marbre je marche dans ses pas, m'arrêtant lorsqu'il me demande de l'attendre là, près d'une charrette. Je sens l'agitation du départ imminent partout autour de moi: des pas précipités, des valises que l'on jette, aux intonations masculines qui fusent à droite et à gauche. Brusquement bousculée, je bascule en avant et me rattrape au dernier moment à une épaule ferme. Je me retourne et dans la précipitation fait tomber mon voile. Le visage découvert au milieu d'hommes j'ai le droit à une série de commentaires peu agréables. L'homme que je soupçonne de m'avoir bousculée, pointe un doigt accusateur sur moi. Ses cheveux bruns frisés gesticulent dans tous les sens tandis qu'il m'assène des paroles agressives, s'approchant dangereusement de mon périmètre de sécurité.

ArèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant