En descendant sur les berges, je ne m'attendais pas à trouver des péages frontaliers, ni à m'y faire arrêtée par un escadron de femmes en armures argentées.
-Papiers, ordonne une femme qui s'avance vers nous, une lance à la main.
Ebêtée,je farfouille dans ma valise et lui tend ce qu'elle demande. Tandis qu'elle parcourt des yeux les documents, je me fais fouiller par un second soldat. Chaque parcelle de mon corps est analysée. La première femme me dévisage étrangement avant de chuchoter quelque chose à un troisième hoplite qui s'éloigne à grandes enjambées.
-Thalya Ioannis, quelque chose ne va pas avec ces papiers. Cette ville d'où vous venez ne figure sur aucune carte et je ne vois de laisser passer. Qui êtes-vous? Comment avez-vous réussi à passer le premier portail ? Accuse-t-elle, m'intimidant avec sa pique pointée en ma direction.
-Un portail ? Je n'ai traversé aucun portail. Nous avons seulement marché des heures, traversé plateau, plaines et cette forêt enneigée.
Les cuissardes de la troisième femme reviennent au galop. Celle-ci se penche vers mon examinatrice. Leurs regards convergent dans ma direction.
-Inconnue dans nos fichiers. Le portail embrumé ne laisse pas passer les terrestres et si vous n'êtes pas terrestre et que vous n'êtes pas des nôtres, nous devons rectifier la situation. Emparez-vous d'elle ! ordonne-t-elle.
Je jette un regard incompris à mon compagnon resté en retrait, le visage masqué par une large capuche noire.
-Assez ! rugit-il, faisant trembler les trois soldats. Il s'avance dangereusement vers la chef de file et penche son visage vers elle.
Toutes trois s'agenouillent aussitôt, le visage rentré.
-Veuillez nous excuser maître nous ne savions pas que nous avions l'honneur de vous recevoir. D'habitude...
-N'est-ce pas la première règle qu'on vous enseigne: ne s'habituer à rien ? poursuit-il sur le même ton.
-Si maître, répondent-elles en chœur.
-Redressez-vous et fournissez à mademoiselle un laisser passer.Ensuite oubliez-nous.
Sans plus un mot, il renfile sa capuche sombre et franchit la barrière.Je le retrouve sur la berge où quelques personnes s'avancent sur la passerelle d'un long voilier rouge.
-Dernier départ pour les forges, crie une voix nasillarde.
J'emboîte le pas et suit mon compagnon sur l' appontement. Un petit bossu au nez crochu me tend la main pour m'aider à descendre sur l'avant pont puis referme le bastingage derrière moi. Les rares passagers présents sont assis sur la proue. Des petites lanternes rouges sont disposées ça et là partout sur l'avant pont. Je m'assois fascinée par la beauté de ce crépuscule et cette atmosphère mystique.Seules de légères secousses, comme des caresses m'avertissent que le bateau prend le départ, doucement, sans un bruit. Je sens une cuisse chaude et musclée se poser contre la mienne. Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agit, je le sais. Dans la beauté de la nuit, sa présence me réconforte. Le voilier glisse doucement vers cette immense effigie entourée de cascades diluviennes. Il ne va tout de même pas... ? Mais la bateau poursuit sa route et traverse cette chute sans même que nous ressentions une seule goutte. Je ne saurai dire combien de temps s'écoule entre les parois rocheuses que nous traversons, mais lorsque nous ressortons il fait nuit noire. Le ciel est parsemé d'un millier d'étoiles et scintille de milles feux aux couleurs des aurores boréales.
Je me penche en avant avide de tout dévorer. Sous le voilier se joue la même symphonie aquatique. Des dizaines de milliers de méduses, étoiles de mer et petits poissons phosphorescents répondent aux étoiles. Mes yeux s'embuent, émerveillés par tant de beauté.

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Arès
Paranormal« Laissez entrer le passé, ouvrez une parenthèse dans le présent, préparez-vous à écrire votre futur ». Or Thalya a tout oublié. Un traumatisme lui bloque l'accès à ses souvenirs. La nuit, d'étranges rêves ou souvenirs du passé viennent la hanter...