Chapitre 45

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Bouleversée par ce baiser qui n'en était pas vraiment un je traverse la citadelle. Le sol semblait me renvoyer les tremblements qui me parcouraient l'âme. Mes émotions me chamboulaient, me retournaient corps et cerveau. Cela faisait longtemps que je n'avais pas ressenti ce genre de sentiment ambiguë et j'avais toujours fait en sorte de fuir ces situations. J'étais retournée par cette proximité, à laquelle je ne laissais jamais place, perturbée à l'idée d'avoir été en attente que cela se produise. Retournée également car au fond de mon cœur un pincement douloureux me serrait la poitrine, une vague de tristesse qui était tapie depuis bien longtemps, sans en connaître la cause. Perdue dans ce flot d'émotions je ne m'étais pas rendue compte que mes pas m'avaient menés à l'endroit qui m'était interdit et qui m'avait déjà causé tant d'ennuis. Et pourtant, je revenais inlassablement à cet endroit. Curiosité mal placée ? Tout mon corps était persuadé du contraire. Il m'y ramenait.

La végétation luxuriante qui regagnait dans la salle au pied de l'escalier était baignée dans un flot de lumière lunaire qui s'infiltrait à travers le grand vitrail brisé

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La végétation luxuriante qui regagnait dans la salle au pied de l'escalier était baignée dans un flot de lumière lunaire qui s'infiltrait à travers le grand vitrail brisé. Une multitude de petites fleurs étincelantes bleutées et violettes s'étalaient dans toute la pièce. Des milliers de petites lucioles voletaient au-dessus d'elles. L'image était époustouflante, irréelle. Je n'aurai pas dû être là. C'était trop beau pour moi. Je comprenais qu'une telle beauté était interdite. Religieusement mes pieds foulent les premières marches. Mon cœur se réveille et ses battements effrénés me nouent à nouveau le ventre. Le stresse envahit tout mon cœur, serre ma poitrine, bloque ma cage thoracique. Cette fois-ci, je le sais, ils sont tous bien trop occupés pour arrêter mon ascension et ma découverte. Je prends appui sur la rambarde en bois pour me donner le courage d'avancer. J'inspire à grand coup pour la bouche pour faire circuler l'air dans toutes les fibres et empêcher la crise d'angoisse que je sens poindre . Mon pied atteint la dernière marche. Je n'entends plus rien d'autre que les battements assourdissant dans mes oreilles. J'inspire un grand coup en posant la main sur la poignée de la seule chose non abîmée en ce lieu et pousse la porte. L'émotion me cloue contre la porte. Les larmes coulent sans que je ne les comprenne.

La Lune toute majestueuse m'offre son plus beau spectacle au-dessus des rideaux qui flottent au vent. Le grand lit à baldaquin souvent rêvé trône au milieu de la chambre. Il est comme dans mes rêves. Comment pourrai-je rêver dans les moindres détails de cette pièce sans même n'être jamais venue ? Je m'approche, caresse le dessus de lit, m'avance jusqu'à la fenêtre pour y voir les deux lunes se refléter sur la mer. La légère brise souffle dans les voiles blancs de la chambre qui a survécu au carnage de la zone interdite. Je ferme les yeux pour savourer le vent sur mon visage. Il soulève mes cheveux et effleure mes épaules. Il semble me murmurer tant de choses que je ne parviens pas à saisir. Un grand soupire s'échappe de mes lèvres. Je suis vidée comme si mon corps éprouvait la sensation d'être arrivé destination. Je tourne la tête et m'avance jusqu'au miroir sur pied près de la coiffeuse poussiéreuse. Le miroir dans lequel je me suis si souvent vue. Mais au lieu de trouver la version sublimée de moi-même dans sa robe Aphrodite avec ses belles boucles blondes, son teint bronzé et ses yeux bruns qui pétillent, ce n'est que moi. Les mêmes yeux sondent le fond de mon âme attendant d'y trouver de nombreuses réponses. Mes pommettes sont brûlées par les heures d'entraînements au soleil, mes tâches de rousseur parsèment ce même visage, mes cernes sont creusées, mes cheveux blonds très éclaircis et fourchus. La robe blanche a été remplacée par un bustier brun ainsi qu'un slim en cuir souple assorti. Deux pommeaux dépassent de chaque épaule. Je ne me reconnais pas plus. Je ne sais plus qui je suis. Je ne reconnais pas cette guerrière à l'air sauvage. J'époussette le meuble du bout du doigt et découvre les contours poussiéreux d'un petit tiroir intégré. Mon doigt soulève lentement le loquet et découvre un petit objet caché. Curieuse, je l'approche de la lumière lunaire derrière la grande fenêtre et soulève l'objet. Des breloques en pierre de lune prennent vie sur un petit bracelet. Il est tout simplement magnifique. Une flûte de pan, une flamme bleue entourée par une vague ainsi qu'une empreinte de pas sont taillés dans la pierre blanche. Entre ces pierres lunaires je découvre un casque à plumes et une épée en fer. Le bracelet est plein de symboliques qui ne me laissent pas indifférente. Je l'approche de mon visage et soudain mon médaillon se met à scintiller. Comme deux aimants qui s'accordent plus je les approche plus les deux bijoux gagnent de l'éclat. Mon cœur se serre douloureusement et une grande tristesse m'envahit. Je presse le bracelet contre ma poitrine tout en m'asseyant au bord du lit. L'émotion est si forte qu'elle me brise de l'intérieur. Je ne saurai me souvenir du moment où j'ai cessé de fixer cette pièce si familière pour m'endormir là dans ce lit, vidée.

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